Giacomo Oberto

 

Secrétaire Général de l’U.I.M.

Membre du Groupe de Pilotage « CEPEJ-Saturn » du Conseil de l’Europe

 

LE ROLE DU CONSEIL DE L’EUROPE

DANS LA LUTTE CONTRE

LE TERRORISME INTERNATIONAL :

PROTECTION DE LA SECURITE PUBLIQUE

ET SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME

 

 

Sommaire : 1. Introduction. Genèse de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196). – 2. Les lignes directrices de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196). – 3. La structure de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196). – 4. Les nouveautés les plus récentes dans le domaine de la lutte au terrorisme au niveau du Conseil de l’Europe.

 

 

 

1. Introduction. Genèse de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196).

 

Au cours des dernières années le Conseil de l’Europe a focalisé son attention sur le problème de la lutte au terrorisme international.

Le premier acte dans ce domaine a été la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196), ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration ainsi qu’à l’Union européenne, à Varsovie, le 16 mai 2005 et entrée en vigueur le 1er juin 2007.

Il faudra rappeler à ce sujet que cet instrument constitue la réponse européenne aux attentats terroristes commis aux États-Unis d’Amérique le 11 septembre 2001. En fait, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, lors de sa 109e session du 8 novembre 2001, « a dès lors convenu d’accroître activement l’efficacité des instruments internationaux existant au Conseil de l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme, moyennant, entre autres, la création d’un groupe multidisciplinaire sur l’action internationale contre le terrorisme (GMT) ».

Le GMT a notamment été chargé de revoir le fonctionnement des instruments internationaux existant au Conseil de l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme (en particulier la Convention européenne pour la répression du terrorisme (STE n° 90), en vue également de son ouverture éventuelle à des États non membres) ainsi que les autres instruments pertinents, et d’examiner la possibilité de les mettre à jour. A la suite de ces travaux, le 13 février 2003, le Comité des Ministres a approuvé un Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme (STE n° 190) qui a été ouvert à la signature le 15 mai 2003.

Au cours des discussions au sein du GMT, qui ont conduit à la préparation du Protocole, la question de la rédaction d’une convention générale contre le terrorisme au sein du Conseil de l’Europe a été soulevée à plusieurs reprises. L’Assemblée parlementaire a relancé cette question dans sa Recommandation 1550 (2002) sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme, et, plus tard, dans son Avis n° 242 (2003) sur le protocole mentionné ci-dessus, dans lequel elle a estimé qu’ « il conviendra de réfléchir le moment venu à la possibilité d’élaborer au sein du Conseil de l’Europe une convention générale d’incrimination des actes terroristes, à la lumière des travaux en cours au sein des Nations Unies ».

Enfin, en janvier 2004, l’Assemblée parlementaire a adopté la Recommandation 1644 (2004) sur le thème « Le terrorisme : une menace pour les démocraties », dans laquelle elle demande au Comité des Ministres de commencer sans tarder à élaborer une convention générale du Conseil de l’Europe contre le terrorisme, fondée sur l’acquis normatif constitué par les instruments juridiques et d’autres textes des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.

En juin 2003, le Comité des Ministres est convenu de reprendre l’examen de la proposition initiale de préparer une convention générale contre le terrorisme sous les auspices du Conseil de l’Europe, sur la base des conclusions de la 25e Conférence des ministres européens de la Justice (Sofia, 9-10 octobre 2003) qui devait porter sur la lutte contre le terrorisme, et des propositions du Comité d’experts sur le terrorisme (CODEXTER), nouveau comité gouvernemental d’experts créé à la suite de l’expiration du mandat du GMT.

Lors de sa première réunion (Strasbourg, 2730 octobre 2003), le CODEXTER a fait réaliser une expertise indépendante sur les lacunes éventuelles des normes internationales en matière de lutte contre le terrorisme et sur la « valeur ajoutée éventuelle » d’une convention générale du Conseil de l’Europe, par rapport aux instruments pertinents aux niveaux européen et international en matière de lutte contre le terrorisme. La conclusion générale du rapport était qu’une convention générale du Conseil de l’Europe contre le terrorisme apporterait une valeur ajoutée considérable aux instruments européens et internationaux existant en matière de lutte contre le terrorisme.

Lors de sa 114e session (12-13 mai 2004), le Comité des Ministres a pris note des travaux menés par le CODEXTER et est convenu de donner des instructions pour l’élaboration d’un ou de plusieurs instruments (juridiquement contraignants ou non) à portée spécifique visant à combler les lacunes existant dans le droit international ou dans l’action en matière de lutte contre le terrorisme, telles que celles identifiées par le CODEXTER dans son rapport. Sur cette base, en mai 2004, le Comité des Ministres a chargé le Secrétariat de préparer des propositions de suivi de la 114e session concernant la contribution du Conseil de l’Europe à l’action internationale contre le terrorisme.

Dès le départ, le CODEXTER est convenu de la nécessité de consolider l’action juridique contre le terrorisme, tout en garantissant le respect des droits de l’homme et des valeurs fondamentales, et de la nécessité d’inclure dans l’instrument des dispositions fixant des sauvegardes et des conditions appropriées pour y parvenir.

Deux textes du Conseil de l’Europe, adoptés après la mise en place du GMT, ont été particulièrement importants pour les travaux du CODEXTER, à savoir : la Recommandation 1550 (2002) mentionnée ci-dessus et les Lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des Ministres le 11 juillet 2002.

Il convient de rappeler que, lors de sa première réunion, en octobre 2003, le CODEXTER avait décidé de créer le groupe de travail CODEXTER-Apologie pour analyser les conclusions d’un rapport d’expert indépendant sur l’ « apologie du terrorisme » et l’ « incitation au terrorisme » en tant qu’infractions pénales dans la législation nationale des États membres et des États observateurs du Conseil de l’Europe, rapport préparé sur la base de la législation et de la jurisprudence pertinentes dans les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, et de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. L’analyse de la situation dans les États membres a montré qu’une majorité d’États ne prévoyaient pas dans leur législation une infraction spécifique concernant l’ « apologie du terrorisme ». Le groupe de travail a été chargé de présenter des propositions de suivi, en particulier dans le contexte des discussions portant sur la préparation de nouveaux instruments internationaux sur le terrorisme.

Lors de sa 8e réunion, fin février 2005, le CODEXTER a achevé le projet de Convention et a approuvé le rapport explicatif. Il a présenté les deux textes au Comité des Ministres, en lui demandant d’adopter la Convention et de l’ouvrir à la signature, et de prendre note du rapport explicatif. A la 925e réunion des Délégués des Ministres, le 3 mai 2005, le Comité des Ministres a adopté la Convention et décidé de l’ouvrir à la signature des États membres, de la Communauté européenne et des États non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à son élaboration, à l’occasion du 3e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe.

 

 

2. Les lignes directrices de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196).

 

Le but de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme (ci-après dénommée « la Convention ») est d’améliorer les efforts des Parties dans la prévention du terrorisme et de ses effets négatifs sur la pleine jouissance des droits de l’homme et notamment du droit à la vie, à la fois par des mesures à prendre au niveau national et dans le cadre de la coopération internationale, en tenant compte des traités ou des accords bilatéraux et multilatéraux existants entre les Parties, ainsi qu’il est expressément indiqué à l’article 2.

La Convention entend parvenir à cet objectif, d’une part, en qualifiant d’infractions pénales certains actes pouvant conduire à la commission d’infractions terroristes, notamment la provocation publique, le recrutement et l’entraînement, et, d’autre part, en renforçant la coopération pour la prévention, tant au niveau national, dans le contexte de la mise au point de politiques nationales de prévention, qu’au niveau international, par un certain nombre de mesures, entre autres en complétant et, le cas échéant, en modifiant les accords d’extradition et d’entraide judiciaire en vigueur entre les Parties et en prévoyant des moyens supplémentaires, comme la transmission spontanée d’informations, assortis d’obligations relatives à l’application de la loi (devoir d’enquête, par exemple), d’obligations relatives aux sanctions et aux mesures, de l’obligation d’établir la responsabilité pénale des personnes morales, outre celle des personnes physiques, et de celle d’engager des poursuites lorsque l’extradition est refusée.

Le climat de confiance mutuelle régnant entre les États animés des mêmes sentiments, à savoir les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe partageant des valeurs démocratiques et le respect des droits de l’homme garantis par les institutions créées en vertu de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après dénommée « la CEDH ») et d’autres instruments internationaux applicables, justifie de progresser sur la voie de l’incrimination de certains types de comportements qui n’ont pas, jusqu’à présent, été traités au niveau international, en complétant cette mesure par des dispositions destinées à renforcer la coopération judiciaire internationale.

La Convention, à commencer par son préambule, comprend plusieurs dispositions concernant la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans le cadre de la coopération nationale et internationale, d’une part, et des nouvelles dispositions en matière d’incrimination (sous la forme de conditions et de garanties), d’autre part, sans oublier, dans le contexte considéré, la situation des victimes. Cet aspect de la Convention est essentiel, car il traite de questions concernant autant l’exercice légitime des libertés que la liberté d’expression, d’association ou de religion, et les comportements criminels.

La Convention comprend aussi une disposition relative à la protection et à l’indemnisation des victimes du terrorisme, et une disposition soulignant que les droits de l’homme qui doivent être respectés sont non seulement les droits des personnes accusées ou condamnées du chef d’infractions terroristes, mais aussi les droits de toute personne victime ou susceptible d’être victime de ces infractions (voir l’article 17 de la CEDH).

La Convention ne définit pas de nouvelles infractions terroristes qui s’ajouteraient à celles figurant dans les conventions internationales contre le terrorisme. A cet égard, elle fait référence aux traités mentionnés dans son annexe. Elle prévoit toutefois trois nouvelles infractions, qui pourraient être liées à des infractions terroristes telles que définies dans lesdits traités.

Ces nouvelles infractions sont:

·      la provocation publique à commettre une infraction terroriste (article 5),

·      le recrutement pour le terrorisme (article 6) et

·      l’entraînement pour le terrorisme (article 7).

S’ajoute une disposition sur les infractions accessoires (article 9) qui prévoit d’ériger en infraction pénale la complicité en vue de la perpétration des trois infractions susmentionnées et, en outre, la tentative de commission des infractions visées aux articles 6 et 7 (recrutement et entraînement).

Les nouveaux crimes prévus par la Convention se caractérisent notamment par le fait qu’ils n’exigent pas qu’une infraction terroriste au sens de l’article 1er soit effectivement commise, c’est-à-dire l’une quelconque des infractions entrant dans le champ d’application et telles que définies dans l’un des traités internationaux contre le terrorisme énumérés dans l’annexe. L’article 8 de la Convention l’indique expressément sur la base d’une disposition équivalente de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. En conséquence, le lieu où une telle infraction est commise n’est pas non plus pertinent pour établir que l’une quelconque des infractions principales énoncées aux articles 5 à 7 et 9 a été commise. De plus, ces infractions doivent être commises illégalement et intentionnellement, comme il est expressément indiqué pour chacune d’entre elles.

En ce qui concerne la coopération internationale, la Convention s’inspire des dernières tendances apparues dans les traités, comme le Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme, le deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 182) et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Pour ce qui est de l’extradition et de l’entraide judiciaire, la Convention modifie les accords conclus entre les États membres du Conseil de l’Europe, notamment la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 (STE n° 24) et ses Protocoles additionnels des 15 octobre 1975 et 17 mars 1978 (STE nos 86 et 98), la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (STE n° 30) et ses Protocoles additionnels des 17 mars 1978 et 8 novembre 2001 (STE nos 99 et 182), et la Convention européenne pour la répression du terrorisme et son Protocole d’amendement), en particulier en établissant que les infractions prévues par la Convention peuvent donner lieu à extradition, et en imposant une obligation d’assurer l’entraide judiciaire par rapport auxdites infractions.

En même temps, l’article 21 apporte des sauvegardes en ce qui concerne l’extradition et l’entraide judiciaire, pour garantir que cette Convention ne déroge pas aux importants motifs de refus traditionnels prévus par les traités et les lois applicables : par exemple, le refus d’extrader lorsque la personne serait soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou à la peine de mort, ou le refus d’extrader ou d’accorder l’entraide judiciaire lorsque la personne serait poursuivie pour des raisons politiques ou pour d’autres raisons inacceptables. Si la personne n’est pas extradée, pour cette raison ou pour d’autres raisons, la Partie dans laquelle elle se trouve est obligée, conformément à l’article 18, de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale.

Les obligations auxquelles les Parties souscrivent en adhérant à la Convention sont étroitement liées au climat de confiance réciproque qui règne entre des États animés du même esprit, lequel repose sur leur reconnaissance collective de la prééminence du droit et de la protection des droits de l’homme. C’est pourquoi, bien que le terrorisme soit un problème mondial, il a été jugé nécessaire de limiter le cercle des Parties aux États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et à la Communauté européenne. Le Comité des Ministres peut toutefois inviter d’autres États à devenir Parties à la Convention.

 

 

3. La structure de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196).

 

La Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196) se compose de 32 articles.

Elle est précédée par un préambule, dans lequel il est reconnu que les infractions terroristes, quels que soient leurs auteurs, ne sont en aucun cas justifiables par des considérations de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou de toute autre nature similaire. Le préambule rappelle aussi le besoin de renforcer la lutte contre le terrorisme en réaffirmant que toutes les mesures prises pour prévenir ou réprimer les infractions terroristes doivent respecter l’État de droit et les valeurs démocratiques, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, ainsi que les autres dispositions du droit international, y compris le droit international humanitaire lorsqu’il est applicable. Le préambule reconnaît que la Convention ne porte pas atteinte aux principes établis concernant la liberté d’expression et la liberté d’association.

Les articles de 1 à 4 visent à situer la Convention dans un cadre général de principes, allant de la terminologie jusqu’à la coopération internationale. En particulier, l’art. 1er précise que l’on entend par « infraction terroriste » l’une quelconque des infractions entrant dans le champ d’application et telles que définies dans l’un des traités énumérés en annexe. La Convention renonce donc à fournir une nouvelle définition de terrorisme, tout en renvoyant aux textes internationaux dans la matière.

L’article 2 fixe l’objectif de la Convention, qui est d’améliorer les efforts des Parties dans la prévention du terrorisme et de ses effets négatifs, en tenant compte des traités ou des accords bilatéraux ou multilatéraux existants, applicables entre les Parties. Il est fait mention des effets négatifs du terrorisme sur les droits de l’homme, en mentionnant particulièrement le droit à la vie, car les infractions terroristes ont pour principale conséquence la perte de vies humaines.

L’article 3 se réfère aux politiques nationales de prévention et comprend, en particulier, quatre aspects liés à la prévention du terrorisme : a) la formation, l’éducation, la culture, l’information, les médias et la sensibilisation du public (paragraphe 1) ; b) la coopération entre les autorités nationales (paragraphe 2) ; c) la promotion de la tolérance (paragraphe 3) ; et d) la coopération des citoyens avec les autorités compétentes (paragraphe 4).

L’article 4 porte sur la coopération internationale et vise à améliorer la capacité des Parties à prévenir le terrorisme. Il demande aux Parties de se prêter assistance et soutien, et prévoit une série de moyens à cette fin, dont les échanges d’informations et de bonnes pratiques, la formation et d’autres formes d’efforts conjoints, comme les équipes mixtes d’analyse et d’investigation.

Les articles 5 à 7 contiennent les dispositions principales de la Convention qui font obligation aux Parties d’ériger en infractions pénales la provocation publique à commettre une infraction terroriste (article 5), le recrutement pour le terrorisme (article 6) et l’entraînement pour le terrorisme (article 7), auxquelles est associée une série d’infractions accessoires (article 9).

L’article 8 (Indifférence du résultat) précise qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’un acte constitue une infraction au sens des articles 5 à 7 de la Convention, qu’une infraction terroriste soit effectivement commise. Il en va de même pour les infractions accessoires visées à l’article 9. Cet article se fonde sur une disposition équivalente de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (article 2, paragraphe 3). On pourra ajouter à cet égard que les négociateurs ont considéré que, puisqu’il n’est pas nécessaire qu’une infraction terroriste soit commise pour que les actes visés par les articles 5 à 7 soient punissables, il n’est pas non plus nécessaire que la provocation, le recrutement ou l’entraînement visent à la commission d’une infraction terroriste sur le territoire de la Partie concernée. Au contraire, chaque Partie est tenue de sanctionner les infractions visées aux articles 5 à 7 et 9, que le lieu prévu pour la commission de l’infraction terroriste envisagée se trouve sur le territoire de cette Partie ou ailleurs.

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, les Parties doivent ériger en infraction pénale la participation en tant que complice à une des infractions établies en vertu des articles 5 à 7. La responsabilité est engagée pour cette complicité lorsque la personne qui commet une infraction établie par la Convention est aidée par une autre personne qui a également l’intention que l’infraction soit commise. Ainsi, bien que la provocation publique à commettre des infractions terroristes par le biais d’Internet requière l’assistance de fournisseurs de services agissant comme intermédiaires, un fournisseur de services qui n’a pas d’intention criminelle ne peut être tenu pour responsable au titre de cette disposition.

S’agissant du paragraphe 2 relatif à la tentative, on a jugé difficilement concevable que l’infraction visée à l’article 5 ou certains éléments de ladite infraction puissent donner lieu à une tentative. De plus, à la différence de ce que prévoit le paragraphe 1, l’infraction doit être établie dans et conformément au droit interne. Dans la mesure où les éléments moraux constitutifs de la tentative découlent du droit interne, la notion de tentative peut varier d’un pays à l’autre.

L’article 10 traite de la responsabilité des personnes morale et vise à imposer une responsabilité aux sociétés commerciales, associations et personnes morales similaires pour les actions criminelles commises pour leur compte.

L’article 11 traite des sanctions applicables aux infractions visées par la Convention. Il est conforme à la tendance générale observée dans le droit pénal international, en exigeant que les peines soient effectives, proportionnées et dissuasives, tandis que le paragraphe 2 invite les Parties à prendre en considération toute condamnation antérieure dans d’autres États, afin de déterminer la peine à prononcer et, dans la mesure où le droit interne le permet, d’établir la récidive.

       L’article 12 (Conditions et sauvegardes) constitue une des principales dispositions de la Convention. En fait, les Parties sont tenues de veiller au respect des droits de l’homme en établissant, en mettant en œuvre et en appliquant l’incrimination des infractions visées aux articles 5 à 7 et 9. La disposition énumère plusieurs instruments internationaux définissant des normes relatives aux droits de l’homme auxquelles les Parties à la Convention doivent se conformer, dans la mesure où elles représentent des obligations découlant du droit international. Une garantie supplémentaire est apportée par le paragraphe 2, qui prévoit que l’établissement, la mise en œuvre et l’application de l’incrimination visée aux articles 5 à 7 et 9 soient « subordonnés au principe de proportionnalité, eu égard aux buts légitimes poursuivis et à leur nécessité dans une société démocratique », en excluant « toute forme d’arbitraire, de traitement discriminatoire ou raciste ».

       L’article 13 (Protection, dédommagement et aide aux victimes du terrorisme) tient compte des derniers développements en matière de droit international et de l’attention croissante portée aux victimes du terrorisme, dont témoignent par exemple, au niveau régional, la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE n° 116, article 2), les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme (ligne directrice n° XVII) et les Lignes directrices supplémentaires sur la protection des victimes du terrorisme (principe n° 1), et, au niveau international, les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment la Résolution 1566 (2004) du 8 octobre 2004, et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (article 8, paragraphe 4). Plus précisément, cette disposition exige des Parties qu’elles adoptent des mesures pour protéger et soutenir les victimes des infractions terroristes commises sur leur territoire. Ces mesures, qui sont soumises à la législation interne, peuvent comprendre, par exemple, une aide financière et un dédommagement des victimes du terrorisme et des membres de leur famille proche, dans le cadre de dispositifs nationaux.

       Les articles de 14 à 22 contiennent une série de dispositions à caractère procédural.

       L’article 14, en particulier, vise à fixer les principes en matière de compétence internationale. La disposition établit une série de critères en vertu desquels les Parties sont tenues d’établir leur compétence relativement aux infractions pénales visées par la Convention. Il est fondé sur des dispositions similaires figurant dans la plupart des conventions internationales en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi que dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (STE n° 185). Les principes pris en considération sont, à la fois, les suivants :

·      territorialité,

·      nationalité,

·      protection des installations publiques d’une des Parties à la Convention,

·      protection des libertés politiques des Parties contractantes,

·      protection contre les infractions commises par un apatride qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la Partie concernée ;

·      protection contre les actes de terrorisme commis à bord d’un aéronef qui doit être exploité par le gouvernement de la Partie concerné.

L’article 15 vise à établir un devoir d’enquête sur les actes de terrorisme, tandis que l’article 16 fixe les conditions de non-applicabilité de la Convention. L’article 17 porte sur l’entraide judiciaire, au sens de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale et des accords bilatéraux d’entraide mutuelle en vigueur entre les Parties, dans les enquêtes et les procédures connexes concernant les infractions visées par la Convention. L’article 18 prévoit l’alternative entre extrader et poursuivre, tout e imposant à la Partie requise l’obligation de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale si elle refuse l’extradition (aut dedere aut judicare).

L’article 19 stipule que toute infraction prévue par la Convention est automatiquement considérée comme cas d’extradition dans tout traité d’extradition conclu entre les Parties. De plus, ces dernières s’engagent à considérer ces infractions comme des cas d’extradition dans tout traité d’extradition qu’elles pourront conclure. L’article 20 vise à faciliter la coopération internationale en excluant le caractère politique des infractions prévues dans la Convention pour les besoins de l’extradition ou de l’entraide judiciaire. De ce fait, une demande d’extradition ou d’entraide judiciaire basée sur une telle infraction ne peut être refusée au seul motif qu’elle concerne une infraction politique ou une infraction connexe à une infraction politique ou une infraction inspirée par des mobiles politiques.

L’article 21 (Clause de discrimination) vise à mettre l’accent sur l’objectif de la Convention, qui est d’aider les Parties à réprimer les infractions terroristes lorsqu’ils constituent une attaque contre les droits fondamentaux à la vie et à la liberté des personnes. Si les articles 17 à 20 sont des instruments de coopération internationale pour renforcer la capacité des autorités répressives à agir efficacement, cet article veille à ce que la Convention soit conforme aux exigences de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales telles qu’elles sont énoncées dans la CEDH ou dans d’autres instruments applicables. Si la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition ou d’entraide judiciaire, motivée par une infraction mentionnée dans la Convention, a été présentée pour que la Partie requérante puisse poursuivre ou punir la personne en question pour les opinions politiques auxquelles elle adhère, la Partie requise peut refuser d’accorder l’extradition.

Les articles de 23 à 32 contiennent toute une série de « clauses finales » : signature et entrée en vigueur, adhésion à la Convention, application territoriale, effets de la Convention, procédures d’amendement, révision de l’annexe, règlement des différends, consultation des Parties, dénonciation, notification.

 

 

4. Les nouveautés les plus récentes dans le domaine de la lutte au terrorisme au niveau du Conseil de l’Europe. Le Protcole additionnel à la Convention de 2005, approuvé à Bruxelles le 19 mai 2015.

 

A la lumière des attaques terroristes portées en France au début de l’année 2015, les Délégués des Ministres ont adopté, lors de leur réunion du 21 janvier 2015, plusieurs décisions sur la question de la prévention et de la lutte contre la radicalisation menant au terrorisme. Notamment, les États membres qui n’ont pas encore ratifié (12 pays sur 47 ne l’ont pas encore ratifiée, parmi eux l’Italie) la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme (STCE n ° 196) ont été invités à le faire.

Les Délégués des Ministres ont adopté les termes de référence du Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes (COD-CTE). Sous l’autorité du Comité d’experts sur le terrorisme (CODEXTER), le Comité doit préparer un projet de Protocole additionnel complétant la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme. Le Protocole a été ensuite adopté lors de la Session ministérielle du Conseil de l’Europe le 19 mai 2015, à Bruxelles. En outre, les Délégués des Ministres ont invité le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) à accélérer ses travaux sur la façon de prévenir la radicalisation dans les prisons.

Dans ce contexte on pourra rappeler que le Comité d’experts sur le terrorisme (CODEXTER) est chargé de suivre la mise en œuvre des instruments juridiques anti-terroristes du Conseil de l’Europe et de coordonner les activités du Conseil de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme. Le CODEXTER a identifié les quatre domaines suivants comme les priorités pour son travail en 2014 - 2015 :

·      les techniques spéciales d’enquête (où le comité a décidé d’amender la Recommandation Rec(2005)10 du Comité des Ministres) ;

·      la radicalisation, les combattants terroristes étrangers et le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, y compris via l’Internet ;

·      les terroristes agissant seuls ;

·      l’évaluation des lacunes éventuelles du cadre juridique fourni par les instruments juridiques internationaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la prévention et de la répression du terrorisme.

Comme on vient de le dire, le Conseil de l’Europe a préparé un protocole additionnel à la Convention pour la prévention du terrorisme pour répondre au phénomène des combattants terroristes étrangers. Le projet de protocole additionnel a été élaboré par un comité d’experts de tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et des représentants d’autres organisations pertinentes, qui a examiné, entre autres sujets, la criminalisation du fait de se faire recruter ou entraîner pour le terrorisme, de la préparation et du financement des voyages dans le but de commettre des actes de terrorisme.

Le comité, qui a effectué son travail d’élaboration sous l’autorité du CODEXTER, a proposé donc un projet de protocole pour l’adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, adoption qui a eu lieu le 19 mai 2015, au cours de la 125e Session du Comité des Ministres (Bruxelles, 19 mai 2015).

Le Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes (COD-CTE) a donc été établi le 21 janvier 2015 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour préparer ledit projet de Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE N° 196). Le COD-CTE, composé d’experts des tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que de représentants d’autres organisations internationales pertinentes, travaille sous l’autorité du CODEXTER et est chargé d’examiner la criminalisation des actes suivants :

·      se faire recruter pour le terrorisme ;

·      recevoir un entraînement pour le terrorisme ;

·      se rendre dans un autre pays dans le but de commettre ou de préparer des actes de terrorisme ;

·      fournir ou collecter des fonds destinés à financer ces voyages ;

·      organiser et faciliter ces voyages.

Pour ce qui est en particulier du protocole additionnel, celui-ci, approuvé à Bruxelles le 19 mai 2015, vise à spécifier, entre autres, que, par « participer à une association ou à un groupe à des fins de terrorisme », on entend « le fait de participer aux activités d’une association ou d’un groupe afin de commettre ou de contribuer à la commission d’une ou de plusieurs infractions terroristes par l’association ou le groupe ».

Par « recevoir un entraînement pour le terrorisme » on entend le fait de recevoir des instructions, y compris le fait d’obtenir des connaissances ou des compétences pratiques de la part d’une autre personne pour la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes à feu ou d’autres armes ou substances nocives ou dangereuses, ou pour d’autres méthodes ou techniques spécifiques afin de commettre une infraction terroriste ou de contribuer à sa commission.

Par « se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme » on entend le fait de se rendre vers un État, qui n’est pas celui de nationalité ou de résidence du voyageur, afin de commettre, de contribuer à, ou de participer à une infraction terroriste, ou afin de dispenser ou de recevoir un entraînement pour le terrorisme.

Par « financer des voyages à l’étranger à des fins de terrorisme », on entend la fourniture ou la collecte, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, de fonds permettant totalement ou partiellement à toute personne, de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme, tel que défini au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole, sachant que les fonds ont, totalement ou partiellement, pour but de servir ces fins.

Par « organiser ou faciliter par quelque autre manière des voyages à l’étranger à des fins de terrorisme » on entend tout acte visant à organiser ou à faciliter le voyage à l’étranger à des fins de terrorisme de toute personne, tel que défini au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole, sachant que l’aide ainsi apportée l’est à des fins de terrorisme.

Les Parties à la Convention s’engagent aussi à prendre les mesures qui s’avèrent nécessaires pour renforcer l’échange rapide entre les Parties de toute information pertinente disponible concernant les personnes se rendant à l’étranger à des fins de terrorisme. Une Partie pourra choisir de désigner un point de contact. Le point de contact d’une Partie aura les moyens de correspondre avec le point de contact d’une autre Partie selon une procédure accélérée.

Chaque Partie devra s’assurer que la mise en œuvre du Protocole, y compris l’établissement, la mise en œuvre et l’application des nouvelles incriminations, soit réalisée en respectant les obligations relatives aux droits de l’homme lui incombant, notamment la liberté de circulation, la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de religion, telles qu’établies dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et d’autres obligations découlant du droit international, lorsqu’ils lui sont applicables. L’établissement, la mise en œuvre et l’application des nouvelles incriminations devraient en outre être subordonnés au principe de proportionnalité eu égard aux buts légitimes poursuivis et à leur nécessité dans une société démocratique, et devraient exclure toute forme d’arbitraire, de traitement discriminatoire ou raciste.   

 

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