Secrétaire Général de l’U.I.M.
Membre du Groupe de Pilotage « CEPEJ-Saturn » du
Conseil de l’Europe
LE ROLE DU
CONSEIL DE L’EUROPE
DANS LA
LUTTE CONTRE
LE
TERRORISME INTERNATIONAL :
PROTECTION
DE LA SECURITE PUBLIQUE
ET
SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME
Sommaire : 1. Introduction. Genèse
de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme
(STCE n° 196). – 2. Les lignes directrices de la
Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n°
196). – 3. La structure de la Convention du Conseil de
l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196). – 4.
Les nouveautés les plus récentes dans le domaine de la lutte au terrorisme au
niveau du Conseil de l’Europe. |
Au cours des dernières années le
Conseil de l’Europe a focalisé son attention sur le problème de la lutte au
terrorisme international.
Le premier acte dans ce domaine a
été la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du
terrorisme (STCE n° 196), ouverte à la signature des États membres du Conseil
de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration ainsi qu’à
l’Union européenne, à Varsovie, le 16 mai 2005 et entrée en vigueur le 1er
juin 2007.
Il faudra rappeler à ce sujet que
cet instrument constitue la réponse européenne aux attentats terroristes commis
aux États-Unis d’Amérique le 11 septembre 2001. En fait, le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe, lors de sa 109e session du 8
novembre 2001, « a dès lors convenu d’accroître activement l’efficacité des
instruments internationaux existant au Conseil de l’Europe en matière de lutte
contre le terrorisme, moyennant, entre autres, la création d’un groupe
multidisciplinaire sur l’action internationale contre le terrorisme (GMT) ».
Le GMT a notamment été chargé de
revoir le fonctionnement des instruments internationaux existant au Conseil de
l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme (en particulier la Convention
européenne pour la répression du terrorisme (STE n° 90), en vue également de
son ouverture éventuelle à des États non membres) ainsi que les autres
instruments pertinents, et d’examiner la possibilité de les mettre à jour. A la
suite de ces travaux, le 13 février 2003, le Comité des Ministres a approuvé un
Protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du
terrorisme (STE n° 190) qui a été ouvert à la signature le 15 mai 2003.
Au cours des discussions au sein
du GMT, qui ont conduit à la préparation du Protocole, la question de la
rédaction d’une convention générale contre le terrorisme au sein du Conseil de
l’Europe a été soulevée à plusieurs reprises. L’Assemblée parlementaire a
relancé cette question dans sa Recommandation 1550 (2002) sur la lutte contre
le terrorisme et le respect des droits de l’homme, et, plus tard, dans son Avis
n° 242 (2003) sur le protocole mentionné ci-dessus, dans lequel elle a estimé
qu’ « il conviendra de réfléchir le moment venu à la possibilité d’élaborer au
sein du Conseil de l’Europe une convention générale d’incrimination des actes
terroristes, à la lumière des travaux en cours au sein des Nations Unies ».
Enfin, en janvier 2004, l’Assemblée
parlementaire a adopté la Recommandation 1644 (2004) sur le thème « Le
terrorisme : une menace pour les démocraties », dans laquelle elle demande au
Comité des Ministres de commencer sans tarder à élaborer une convention
générale du Conseil de l’Europe contre le terrorisme, fondée sur l’acquis
normatif constitué par les instruments juridiques et d’autres textes des
Nations Unies, du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
En juin 2003, le Comité des
Ministres est convenu de reprendre l’examen de la proposition initiale de
préparer une convention générale contre le terrorisme sous les auspices du
Conseil de l’Europe, sur la base des conclusions de la 25e
Conférence des ministres européens de la Justice (Sofia, 9-10 octobre 2003) qui
devait porter sur la lutte contre le terrorisme, et des propositions du Comité
d’experts sur le terrorisme (CODEXTER), nouveau comité gouvernemental d’experts
créé à la suite de l’expiration du mandat du GMT.
Lors de sa première réunion
(Strasbourg, 27‑30 octobre 2003), le
CODEXTER a fait réaliser une expertise indépendante sur les lacunes éventuelles
des normes internationales en matière de lutte contre le terrorisme et sur la «
valeur ajoutée éventuelle » d’une convention générale du Conseil de l’Europe,
par rapport aux instruments pertinents aux niveaux européen et international en
matière de lutte contre le terrorisme. La conclusion générale du rapport était
qu’une convention générale du Conseil de l’Europe contre le terrorisme
apporterait une valeur ajoutée considérable aux instruments européens et
internationaux existant en matière de lutte contre le terrorisme.
Lors de sa 114e session
(12-13 mai 2004), le Comité des Ministres a pris note des travaux menés par le
CODEXTER et est convenu de donner des instructions pour l’élaboration d’un ou
de plusieurs instruments (juridiquement contraignants ou non) à portée
spécifique visant à combler les lacunes existant dans le droit international ou
dans l’action en matière de lutte contre le terrorisme, telles que celles
identifiées par le CODEXTER dans son rapport. Sur cette base, en mai 2004, le
Comité des Ministres a chargé le Secrétariat de préparer des propositions de
suivi de la 114e session concernant la contribution du Conseil de l’Europe
à l’action internationale contre le terrorisme.
Dès le départ, le CODEXTER est
convenu de la nécessité de consolider l’action juridique contre le terrorisme,
tout en garantissant le respect des droits de l’homme et des valeurs
fondamentales, et de la nécessité d’inclure dans l’instrument des dispositions
fixant des sauvegardes et des conditions appropriées pour y parvenir.
Deux textes du Conseil de l’Europe,
adoptés après la mise en place du GMT, ont été particulièrement importants pour
les travaux du CODEXTER, à savoir : la Recommandation 1550 (2002) mentionnée
ci-dessus et les Lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte
contre le terrorisme, adoptées par le Comité des Ministres le 11 juillet 2002.
Il convient de rappeler que, lors
de sa première réunion, en octobre 2003, le CODEXTER avait décidé de créer le
groupe de travail CODEXTER-Apologie pour analyser les conclusions d’un rapport
d’expert indépendant sur l’ « apologie du terrorisme » et l’ « incitation au
terrorisme » en tant qu’infractions pénales dans la législation nationale des États
membres et des États observateurs du Conseil de l’Europe, rapport préparé sur
la base de la législation et de la jurisprudence pertinentes dans les États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe, et de la jurisprudence de la
Cour européenne des Droits de l’Homme. L’analyse de la situation dans les États
membres a montré qu’une majorité d’États ne prévoyaient pas dans leur
législation une infraction spécifique concernant l’ « apologie du terrorisme ».
Le groupe de travail a été chargé de présenter des propositions de suivi, en
particulier dans le contexte des discussions portant sur la préparation de
nouveaux instruments internationaux sur le terrorisme.
Lors de sa 8e réunion,
fin février 2005, le CODEXTER a achevé le projet de Convention et a approuvé le
rapport explicatif. Il a présenté les deux textes au Comité des Ministres, en
lui demandant d’adopter la Convention et de l’ouvrir à la signature, et de
prendre note du rapport explicatif. A la 925e réunion des Délégués
des Ministres, le 3 mai 2005, le Comité des Ministres a adopté la Convention et
décidé de l’ouvrir à la signature des États membres, de la Communauté
européenne et des États non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à
son élaboration, à l’occasion du 3e Sommet des chefs d’État et de
gouvernement du Conseil de l’Europe.
Le but de la Convention du
Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme (ci-après dénommée « la
Convention ») est d’améliorer les efforts des Parties dans la prévention du
terrorisme et de ses effets négatifs sur la pleine jouissance des droits de l’homme
et notamment du droit à la vie, à la fois par des mesures à prendre au niveau
national et dans le cadre de la coopération internationale, en tenant compte
des traités ou des accords bilatéraux et multilatéraux existants entre les
Parties, ainsi qu’il est expressément indiqué à l’article 2.
La Convention entend parvenir à
cet objectif, d’une part, en qualifiant d’infractions pénales certains actes
pouvant conduire à la commission d’infractions terroristes, notamment la
provocation publique, le recrutement et l’entraînement, et, d’autre part, en
renforçant la coopération pour la prévention, tant au niveau national, dans le
contexte de la mise au point de politiques nationales de prévention, qu’au
niveau international, par un certain nombre de mesures, entre autres en
complétant et, le cas échéant, en modifiant les accords d’extradition et d’entraide
judiciaire en vigueur entre les Parties et en prévoyant des moyens
supplémentaires, comme la transmission spontanée d’informations, assortis d’obligations
relatives à l’application de la loi (devoir d’enquête, par exemple), d’obligations
relatives aux sanctions et aux mesures, de l’obligation d’établir la
responsabilité pénale des personnes morales, outre celle des personnes
physiques, et de celle d’engager des poursuites lorsque l’extradition est
refusée.
Le climat de confiance mutuelle
régnant entre les États animés des mêmes sentiments, à savoir les États membres
et observateurs du Conseil de l’Europe partageant des valeurs démocratiques et
le respect des droits de l’homme garantis par les institutions créées en vertu de
la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
du 4 novembre 1950 (ci-après dénommée « la CEDH ») et d’autres instruments
internationaux applicables, justifie de progresser sur la voie de l’incrimination
de certains types de comportements qui n’ont pas, jusqu’à présent, été traités
au niveau international, en complétant cette mesure par des dispositions
destinées à renforcer la coopération judiciaire internationale.
La Convention, à commencer par
son préambule, comprend plusieurs dispositions concernant la protection des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans le cadre de la
coopération nationale et internationale, d’une part, et des nouvelles
dispositions en matière d’incrimination (sous la forme de conditions et de
garanties), d’autre part, sans oublier, dans le contexte considéré, la
situation des victimes. Cet aspect de la Convention est essentiel, car il
traite de questions concernant autant l’exercice légitime des libertés que la
liberté d’expression, d’association ou de religion, et les comportements
criminels.
La Convention comprend aussi une
disposition relative à la protection et à l’indemnisation des victimes du
terrorisme, et une disposition soulignant que les droits de l’homme qui doivent
être respectés sont non seulement les droits des personnes accusées ou
condamnées du chef d’infractions terroristes, mais aussi les droits de toute
personne victime ou susceptible d’être victime de ces infractions (voir l’article
17 de la CEDH).
La Convention ne définit pas de
nouvelles infractions terroristes qui s’ajouteraient à celles figurant dans les
conventions internationales contre le terrorisme. A cet égard, elle fait
référence aux traités mentionnés dans son annexe. Elle prévoit toutefois trois
nouvelles infractions, qui pourraient être liées à des infractions terroristes
telles que définies dans lesdits traités.
Ces nouvelles infractions sont:
·
la provocation publique à commettre une infraction
terroriste (article 5),
·
le recrutement pour le terrorisme (article 6) et
·
l’entraînement pour le terrorisme (article 7).
S’ajoute une disposition sur les
infractions accessoires (article 9) qui prévoit d’ériger en infraction pénale
la complicité en vue de la perpétration des trois infractions susmentionnées
et, en outre, la tentative de commission des infractions visées aux articles 6
et 7 (recrutement et entraînement).
Les nouveaux crimes prévus par la
Convention se caractérisent notamment par le fait qu’ils n’exigent pas qu’une
infraction terroriste au sens de l’article 1er soit effectivement
commise, c’est-à-dire l’une quelconque des infractions entrant dans le champ d’application
et telles que définies dans l’un des traités internationaux contre le
terrorisme énumérés dans l’annexe. L’article 8 de la Convention l’indique
expressément sur la base d’une disposition équivalente de la Convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme. En conséquence,
le lieu où une telle infraction est commise n’est pas non plus pertinent pour
établir que l’une quelconque des infractions principales énoncées aux articles
5 à 7 et 9 a été commise. De plus, ces infractions doivent être commises
illégalement et intentionnellement, comme il est expressément indiqué pour
chacune d’entre elles.
En ce qui concerne la coopération
internationale, la Convention s’inspire des dernières tendances apparues dans
les traités, comme le Protocole portant amendement à la Convention européenne
pour la répression du terrorisme, le deuxième Protocole additionnel à la
Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 182) et
la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.
Pour ce qui est de l’extradition
et de l’entraide judiciaire, la Convention modifie les accords conclus entre
les États membres du Conseil de l’Europe, notamment la Convention européenne d’extradition
du 13 décembre 1957 (STE n° 24) et ses Protocoles additionnels des 15 octobre
1975 et 17 mars 1978 (STE nos 86 et 98), la Convention européenne d’entraide
judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (STE n° 30) et ses Protocoles
additionnels des 17 mars 1978 et 8 novembre 2001 (STE nos 99 et 182), et la
Convention européenne pour la répression du terrorisme et son Protocole d’amendement),
en particulier en établissant que les infractions prévues par la Convention
peuvent donner lieu à extradition, et en imposant une obligation d’assurer l’entraide
judiciaire par rapport auxdites infractions.
En même temps, l’article 21
apporte des sauvegardes en ce qui concerne l’extradition et l’entraide
judiciaire, pour garantir que cette Convention ne déroge pas aux importants
motifs de refus traditionnels prévus par les traités et les lois applicables :
par exemple, le refus d’extrader lorsque la personne serait soumise à la
torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou à la peine
de mort, ou le refus d’extrader ou d’accorder l’entraide judiciaire lorsque la
personne serait poursuivie pour des raisons politiques ou pour d’autres raisons
inacceptables. Si la personne n’est pas extradée, pour cette raison ou pour d’autres
raisons, la Partie dans laquelle elle se trouve est obligée, conformément à l’article
18, de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action
pénale.
Les obligations auxquelles les
Parties souscrivent en adhérant à la Convention sont étroitement liées au
climat de confiance réciproque qui règne entre des États animés du même esprit,
lequel repose sur leur reconnaissance collective de la prééminence du droit et
de la protection des droits de l’homme. C’est pourquoi, bien que le terrorisme
soit un problème mondial, il a été jugé nécessaire de limiter le cercle des
Parties aux États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et à la
Communauté européenne. Le Comité des Ministres peut toutefois inviter d’autres États
à devenir Parties à la Convention.
La Convention du Conseil de l’Europe
pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196) se compose de 32 articles.
Elle est précédée par un
préambule, dans lequel il est reconnu que les infractions terroristes, quels
que soient leurs auteurs, ne sont en aucun cas justifiables par des
considérations de nature politique, philosophique, idéologique, raciale,
ethnique, religieuse ou de toute autre nature similaire. Le préambule rappelle
aussi le besoin de renforcer la lutte contre le terrorisme en réaffirmant que
toutes les mesures prises pour prévenir ou réprimer les infractions terroristes
doivent respecter l’État de droit et les valeurs démocratiques, les droits de l’homme
et les libertés fondamentales, ainsi que les autres dispositions du droit
international, y compris le droit international humanitaire lorsqu’il est
applicable. Le préambule reconnaît que la Convention ne porte pas atteinte aux
principes établis concernant la liberté d’expression et la liberté d’association.
Les articles de 1 à 4 visent à
situer la Convention dans un cadre général de principes, allant de la terminologie
jusqu’à la coopération internationale. En particulier, l’art. 1er
précise que l’on entend par « infraction terroriste » l’une quelconque des
infractions entrant dans le champ d’application et telles que définies dans l’un
des traités énumérés en annexe. La Convention renonce donc à fournir une
nouvelle définition de terrorisme, tout en renvoyant aux textes internationaux
dans la matière.
L’article 2 fixe l’objectif de la
Convention, qui est d’améliorer les efforts des Parties dans la prévention du terrorisme
et de ses effets négatifs, en tenant compte des traités ou des accords
bilatéraux ou multilatéraux existants, applicables entre les Parties. Il est
fait mention des effets négatifs du terrorisme sur les droits de l’homme, en
mentionnant particulièrement le droit à la vie, car les infractions terroristes
ont pour principale conséquence la perte de vies humaines.
L’article 3 se réfère aux
politiques nationales de prévention et comprend, en particulier, quatre aspects
liés à la prévention du terrorisme : a) la formation, l’éducation, la culture,
l’information, les médias et la sensibilisation du public (paragraphe 1) ; b)
la coopération entre les autorités nationales (paragraphe 2) ; c) la promotion
de la tolérance (paragraphe 3) ; et d) la coopération des citoyens avec les
autorités compétentes (paragraphe 4).
L’article 4 porte sur la
coopération internationale et vise à améliorer la capacité des Parties à
prévenir le terrorisme. Il demande aux Parties de se prêter assistance et
soutien, et prévoit une série de moyens à cette fin, dont les échanges d’informations
et de bonnes pratiques, la formation et d’autres formes d’efforts conjoints,
comme les équipes mixtes d’analyse et d’investigation.
Les articles 5 à 7 contiennent
les dispositions principales de la Convention qui font obligation aux Parties d’ériger
en infractions pénales la provocation publique à commettre une infraction
terroriste (article 5), le recrutement pour le terrorisme (article 6) et l’entraînement
pour le terrorisme (article 7), auxquelles est associée une série d’infractions
accessoires (article 9).
L’article 8 (Indifférence du
résultat) précise qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’un acte constitue une
infraction au sens des articles 5 à 7 de la Convention, qu’une infraction terroriste
soit effectivement commise. Il en va de même pour les infractions accessoires
visées à l’article 9. Cet article se fonde sur une disposition équivalente de
la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme
(article 2, paragraphe 3). On pourra ajouter à cet égard que les négociateurs
ont considéré que, puisqu’il n’est pas nécessaire qu’une infraction terroriste
soit commise pour que les actes visés par les articles 5 à 7 soient
punissables, il n’est pas non plus nécessaire que la provocation, le
recrutement ou l’entraînement visent à la commission d’une infraction
terroriste sur le territoire de la Partie concernée. Au contraire, chaque
Partie est tenue de sanctionner les infractions visées aux articles 5 à 7 et 9,
que le lieu prévu pour la commission de l’infraction terroriste envisagée se
trouve sur le territoire de cette Partie ou ailleurs.
Aux termes de l’article 9,
paragraphe 1, les Parties doivent ériger en infraction pénale la participation
en tant que complice à une des infractions établies en vertu des articles 5 à
7. La responsabilité est engagée pour cette complicité lorsque la personne qui
commet une infraction établie par la Convention est aidée par une autre
personne qui a également l’intention que l’infraction soit commise. Ainsi, bien
que la provocation publique à commettre des infractions terroristes par le
biais d’Internet requière l’assistance de fournisseurs de services agissant
comme intermédiaires, un fournisseur de services qui n’a pas d’intention
criminelle ne peut être tenu pour responsable au titre de cette disposition.
S’agissant du paragraphe 2
relatif à la tentative, on a jugé difficilement concevable que l’infraction
visée à l’article 5 ou certains éléments de ladite infraction puissent donner
lieu à une tentative. De plus, à la différence de ce que prévoit le paragraphe
1, l’infraction doit être établie dans et conformément au droit interne. Dans
la mesure où les éléments moraux constitutifs de la tentative découlent du
droit interne, la notion de tentative peut varier d’un pays à l’autre.
L’article 10 traite de la
responsabilité des personnes morale et vise à imposer une responsabilité aux
sociétés commerciales, associations et personnes morales similaires pour les
actions criminelles commises pour leur compte.
L’article 11 traite des sanctions
applicables aux infractions visées par la Convention. Il est conforme à la
tendance générale observée dans le droit pénal international, en exigeant que
les peines soient effectives, proportionnées et dissuasives, tandis que le
paragraphe 2 invite les Parties à prendre en considération toute condamnation
antérieure dans d’autres États, afin de déterminer la peine à prononcer et,
dans la mesure où le droit interne le permet, d’établir la récidive.
L’article
12 (Conditions et sauvegardes) constitue une des principales dispositions de la
Convention. En fait, les Parties sont tenues de veiller au respect des droits
de l’homme en établissant, en mettant en œuvre et en appliquant l’incrimination
des infractions visées aux articles 5 à 7 et 9. La disposition énumère
plusieurs instruments internationaux définissant des normes relatives aux
droits de l’homme auxquelles les Parties à la Convention doivent se conformer,
dans la mesure où elles représentent des obligations découlant du droit
international. Une garantie supplémentaire est apportée par le paragraphe 2,
qui prévoit que l’établissement, la mise en œuvre et l’application de l’incrimination
visée aux articles 5 à 7 et 9 soient « subordonnés au principe de proportionnalité,
eu égard aux buts légitimes poursuivis et à leur nécessité dans une société
démocratique », en excluant « toute forme d’arbitraire, de traitement
discriminatoire ou raciste ».
L’article
13 (Protection, dédommagement et aide aux victimes du terrorisme) tient compte
des derniers développements en matière de droit international et de l’attention
croissante portée aux victimes du terrorisme, dont témoignent par exemple, au
niveau régional, la Convention européenne relative au dédommagement des victimes
d’infractions violentes (STE n° 116, article 2), les Lignes directrices du
Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme
(ligne directrice n° XVII) et les Lignes directrices supplémentaires sur la
protection des victimes du terrorisme (principe n° 1), et, au niveau
international, les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment la
Résolution 1566 (2004) du 8 octobre 2004, et la Convention internationale pour
la répression du financement du terrorisme (article 8, paragraphe 4). Plus
précisément, cette disposition exige des Parties qu’elles adoptent des mesures
pour protéger et soutenir les victimes des infractions terroristes commises sur
leur territoire. Ces mesures, qui sont soumises à la législation interne, peuvent
comprendre, par exemple, une aide financière et un dédommagement des victimes
du terrorisme et des membres de leur famille proche, dans le cadre de
dispositifs nationaux.
Les
articles de 14 à 22 contiennent une série de dispositions à caractère procédural.
L’article
14, en particulier, vise à fixer les principes en matière de compétence
internationale. La disposition établit une série de critères en vertu desquels
les Parties sont tenues d’établir leur compétence relativement aux infractions
pénales visées par la Convention. Il est fondé sur des dispositions similaires
figurant dans la plupart des conventions internationales en matière de lutte
contre le terrorisme, ainsi que dans la Convention du Conseil de l’Europe sur
la cybercriminalité (STE n° 185). Les principes pris en considération sont, à
la fois, les suivants :
·
territorialité,
·
nationalité,
·
protection des installations publiques d’une des Parties
à la Convention,
·
protection des libertés politiques des Parties
contractantes,
·
protection contre les infractions commises par un
apatride qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la Partie concernée ;
·
protection contre les actes de terrorisme commis à bord d’un
aéronef qui doit être exploité par le gouvernement de la Partie concerné.
L’article 15 vise à établir un
devoir d’enquête sur les actes de terrorisme, tandis que l’article 16 fixe les
conditions de non-applicabilité de la Convention. L’article 17 porte sur l’entraide
judiciaire, au sens de la Convention européenne d’entraide judiciaire en
matière pénale et des accords bilatéraux d’entraide mutuelle en vigueur entre
les Parties, dans les enquêtes et les procédures connexes concernant les
infractions visées par la Convention. L’article 18 prévoit l’alternative entre
extrader et poursuivre, tout e imposant à la Partie requise l’obligation de
soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action
pénale si elle refuse l’extradition (aut
dedere aut judicare).
L’article 19 stipule que toute
infraction prévue par la Convention est automatiquement considérée comme cas d’extradition
dans tout traité d’extradition conclu entre les Parties. De plus, ces dernières
s’engagent à considérer ces infractions comme des cas d’extradition dans tout
traité d’extradition qu’elles pourront conclure. L’article 20 vise à faciliter
la coopération internationale en excluant le caractère politique des
infractions prévues dans la Convention pour les besoins de l’extradition ou de
l’entraide judiciaire. De ce fait, une demande d’extradition ou d’entraide
judiciaire basée sur une telle infraction ne peut être refusée au seul motif qu’elle
concerne une infraction politique ou une infraction connexe à une infraction
politique ou une infraction inspirée par des mobiles politiques.
L’article 21 (Clause de
discrimination) vise à mettre l’accent sur l’objectif de la Convention, qui est
d’aider les Parties à réprimer les infractions terroristes lorsqu’ils
constituent une attaque contre les droits fondamentaux à la vie et à la liberté
des personnes. Si les articles 17 à 20 sont des instruments de coopération
internationale pour renforcer la capacité des autorités répressives à agir
efficacement, cet article veille à ce que la Convention soit conforme aux
exigences de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales
telles qu’elles sont énoncées dans la CEDH ou dans d’autres instruments
applicables. Si la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la
demande d’extradition ou d’entraide judiciaire, motivée par une infraction mentionnée
dans la Convention, a été présentée pour que la Partie requérante puisse
poursuivre ou punir la personne en question pour les opinions politiques
auxquelles elle adhère, la Partie requise peut refuser d’accorder l’extradition.
Les articles de 23 à 32
contiennent toute une série de « clauses finales » : signature et entrée
en vigueur, adhésion à la Convention, application territoriale, effets de la
Convention, procédures d’amendement, révision de l’annexe, règlement des
différends, consultation des Parties, dénonciation, notification.
A la lumière des attaques
terroristes portées en France au début de l’année 2015, les Délégués des
Ministres ont adopté, lors de leur réunion du 21 janvier 2015, plusieurs
décisions sur la question de la prévention et de la lutte contre la
radicalisation menant au terrorisme. Notamment, les États membres qui n’ont pas
encore ratifié (12 pays sur 47 ne l’ont pas encore ratifiée, parmi eux l’Italie)
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme (STCE n °
196) ont été invités à le faire.
Les Délégués des Ministres ont
adopté les termes de référence du Comité sur les combattants terroristes
étrangers et les questions connexes (COD-CTE). Sous l’autorité du Comité d’experts
sur le terrorisme (CODEXTER), le Comité doit préparer un projet de Protocole
additionnel complétant la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
du terrorisme. Le Protocole a été ensuite adopté lors de la Session
ministérielle du Conseil de l’Europe le 19 mai 2015, à Bruxelles. En outre, les
Délégués des Ministres ont invité le Comité européen pour les problèmes
criminels (CDPC) à accélérer ses travaux sur la façon de prévenir la
radicalisation dans les prisons.
Dans ce contexte on pourra
rappeler que le Comité d’experts sur le terrorisme (CODEXTER) est chargé de
suivre la mise en œuvre des instruments juridiques anti-terroristes du Conseil
de l’Europe et de coordonner les activités du Conseil de l’Europe dans la lutte
contre le terrorisme. Le CODEXTER a identifié les quatre domaines suivants
comme les priorités pour son travail en 2014 - 2015 :
·
les techniques spéciales d’enquête (où le comité a décidé
d’amender la Recommandation Rec(2005)10 du Comité des Ministres) ;
·
la radicalisation, les combattants terroristes étrangers
et le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, y compris via l’Internet
;
·
les terroristes agissant seuls ;
·
l’évaluation des lacunes éventuelles du cadre juridique
fourni par les instruments juridiques internationaux du Conseil de l’Europe
dans le domaine de la prévention et de la répression du terrorisme.
Comme on vient de le dire, le
Conseil de l’Europe a préparé un protocole additionnel à la Convention pour la
prévention du terrorisme pour répondre au phénomène des combattants terroristes
étrangers. Le projet de protocole additionnel a été élaboré par un comité d’experts
de tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et des
représentants d’autres organisations pertinentes, qui a examiné, entre autres
sujets, la criminalisation du fait de se faire recruter ou entraîner pour le
terrorisme, de la préparation et du financement des voyages dans le but de
commettre des actes de terrorisme.
Le comité, qui a effectué son
travail d’élaboration sous l’autorité du CODEXTER, a proposé donc un projet de protocole
pour l’adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, adoption
qui a eu lieu le 19 mai 2015, au cours de la 125e Session du Comité des Ministres (Bruxelles, 19 mai 2015).
Le Comité sur les combattants
terroristes étrangers et les questions connexes (COD-CTE) a donc été établi le
21 janvier 2015 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour
préparer ledit projet de Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe
pour la prévention du terrorisme (STCE N° 196). Le COD-CTE, composé d’experts
des tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que de
représentants d’autres organisations internationales pertinentes, travaille
sous l’autorité du CODEXTER et est chargé d’examiner la criminalisation des
actes suivants :
·
se faire recruter pour le terrorisme ;
·
recevoir un entraînement pour le terrorisme ;
·
se rendre dans un autre pays dans le but de commettre ou
de préparer des actes de terrorisme ;
·
fournir ou collecter des fonds destinés à financer ces
voyages ;
·
organiser et faciliter ces voyages.
Pour ce qui est en particulier du
protocole additionnel, celui-ci, approuvé à Bruxelles le 19 mai 2015, vise à
spécifier, entre autres, que, par « participer à une association ou à un groupe
à des fins de terrorisme », on entend « le fait de participer aux activités
d’une association ou d’un groupe afin de commettre ou de contribuer à la
commission d’une ou de plusieurs infractions terroristes par l’association ou
le groupe ».
Par « recevoir un entraînement
pour le terrorisme » on entend le fait de recevoir des instructions, y compris
le fait d’obtenir des connaissances ou des compétences pratiques de la part
d’une autre personne pour la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes
à feu ou d’autres armes ou substances nocives ou dangereuses, ou pour d’autres
méthodes ou techniques spécifiques afin de commettre une infraction terroriste
ou de contribuer à sa commission.
Par « se rendre à l’étranger à
des fins de terrorisme » on entend le fait de se rendre vers un État, qui n’est
pas celui de nationalité ou de résidence du voyageur, afin de commettre, de
contribuer à, ou de participer à une infraction terroriste, ou afin de
dispenser ou de recevoir un entraînement pour le terrorisme.
Par « financer des voyages à
l’étranger à des fins de terrorisme », on entend la fourniture ou la collecte,
par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, de fonds
permettant totalement ou partiellement à toute personne, de se rendre à
l’étranger à des fins de terrorisme, tel que défini au paragraphe 1 de l’article
4 du Protocole, sachant que les fonds ont, totalement ou partiellement, pour
but de servir ces fins.
Par « organiser ou faciliter par
quelque autre manière des voyages à l’étranger à des fins de terrorisme » on
entend tout acte visant à organiser ou à faciliter le voyage à l’étranger à des
fins de terrorisme de toute personne, tel que défini au paragraphe 1 de
l’article 4 du Protocole, sachant que l’aide ainsi apportée l’est à des fins de
terrorisme.
Les Parties à la Convention
s’engagent aussi à prendre les mesures qui s’avèrent nécessaires pour renforcer
l’échange rapide entre les Parties de toute information pertinente disponible
concernant les personnes se rendant à l’étranger à des fins de terrorisme. Une
Partie pourra choisir de désigner un point de contact. Le point de contact
d’une Partie aura les moyens de correspondre avec le point de contact d’une
autre Partie selon une procédure accélérée.
Chaque Partie devra s’assurer que
la mise en œuvre du Protocole, y compris l’établissement, la mise en œuvre et
l’application des nouvelles incriminations, soit réalisée en respectant les
obligations relatives aux droits de l’homme lui incombant, notamment la liberté
de circulation, la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté
de religion, telles qu’établies dans la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales, dans le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, et d’autres obligations découlant du droit
international, lorsqu’ils lui sont applicables. L’établissement, la mise en
œuvre et l’application des nouvelles incriminations devraient en outre être
subordonnés au principe de proportionnalité eu égard aux buts légitimes
poursuivis et à leur nécessité dans une société démocratique, et devraient
exclure toute forme d’arbitraire, de traitement discriminatoire ou raciste.