Actualisé le 23 décembre 2005
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 14 décembre 2005
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Rejet
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N° de pourvoi : 05-10951
Publié au bulletin
Président : M. ANCEL
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE
FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA
COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu
que M. X... et Mme Mc Y..., ressortissants britanniques, se sont mariés le
12 juin 1987 ; qu’un enfant est né, le 20 mai 1988, de leur union ; que M.
X..., demeurant à Londres, a engagé, le 17 mars 2004, une procédure de divorce et saisi le juge aux affaires
familiales français qui s’est déclaré incompétent ;
Sur
le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu
que M. X... fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 18
novembre 2004) de ne pas avoir retenu la compétence des juridictions
françaises, alors, selon le moyen :
1
/ que si la notion de résidence habituelle visée par un texte européen doit
s’entendre de façon uniforme dans les différents Etats membres et non selon
la conception interne de chacun de ces Etats, cela ne signifie pas qu’elle
doive recevoir une définition identique dans toutes les matières concernées
; que cette notion doit au contraire être interprétée dans chaque matière
selon la fonction que lui attribue le texte qui s’y réfère ; qu’au sens du règlement du 29 mai 2000 relatif à
la compétence en matière matrimoniale, la notion de résidence habituelle du
défendeur doit donc être définie selon la finalité que lui attribue ce
texte, à savoir permettre au demandeur de saisir le tribunal du lieu où ce
défendeur réside en permanence à l’époque de cette saisine ; qu’en se bornant
à transposer, pour l’application de ce texte, la jurisprudence par laquelle
la Cour de justice des Communautés européennes "a défini cette notion
dans d’autres domaines et notamment en droit social", sans rechercher
la définition que cette notion devait recevoir au sens de ce texte en
fonction du rôle propre que celui-ci lui attribue, la cour d’appel a violé
l’article 2 du règlement européen du 29 mai 2000 ;
2
/ que la notion de résidence habituelle du défendeur au sens de l’article 2
du règlement du 29 mai 2000, qui se
distingue de celle de domicile (employée dans d’autres dispositions telles
que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ou le règlement du 22 décembre 2000), implique seulement la volonté
de conférer à l’installation un caractère stable pendant la durée prévue
mais non l’intention d’y demeurer définitivement et sans esprit de retour,
de sorte que l’installation temporaire prévue pour une certaine durée et
non de façon purement précaire caractérise la résidence habituelle au sens
de ce texte ; que la cour d’appel a expressément constaté que Mme Mc Y...
était venue s’installer en France "en février 2003 pour accompagner et
prendre soin de l’enfant commun, scolarisé à Mougins" pour une période
prévue comme devant durer jusqu’en septembre 2004, et qu’elle avait noué
une "vie sociale importante", "cherché à perfectionner sa
connaissance du français", "ouvert des comptes en banque en
France", "fait connaître son adresse en France" et acquis
une "voiture immatriculée en France" ; que ces éléments faisaient
ressortir qu’elle avait donné à son installation prévue pour dix-huit mois
un caractère de stabilité objective, peu important qu’elle ait aussi
conservé des contacts réguliers à Londres en raison de son intention d’y
retourner à l’expiration de la durée prévue ;
qu’en
déclarant incompétent le tribunal du lieu de cette installation
régulièrement saisie pendant la période concernée du seul fait que
"Mme Mc Y... a toujours eu l’intention de retourner à Londres",
ce qui excluait seulement une installation définitive sans esprit de
retour, la cour d’appel a violé l’article 2 du règlement du 29 mai 2000 ;
3
/ que la notion de résidence habituelle du défendeur au sens de l’article 2
du Règlement du 29 mai 2000 qui a pour
fonction de désigner l’un des tribunaux pouvant être saisis, n’exige pas un
caractère exclusif mais seulement un rattachement objectif réel et sérieux
; qu’en excluant la compétence du tribunal de Grasse pour le motif
inopérant que Mme Mc Y... avait "conservé son domicile personnel et
fiscal à Londres, qu’elle est toujours inscrite sur les listes électorales
à Londres, qu’elle a conservé et utilisé pendant la période litigieuse
plusieurs comptes bancaires en Angleterre qu’elle a continué à être suivie
par ses médecins et dentistes londoniens, tout comme Francesca, même si l’une
et l’autre ont consulté en France, qu’elle a continué à fréquenter le même
coiffeur, le même opticien, que les chiens ont été suivis par leurs
vétérinaires anglais", la cour d’appel a, de plus fort, violé l’article
2 du Règlement du 29 mai 2000 ;
Mais
attendu que la résidence habituelle, notion autonome du droit
communautaire, se définit comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la
volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou
habituel de ses intérêts ; que l’arrêt, après avoir relevé que la
compétence des juridictions françaises ne pouvait être fondée que sur la
résidence habituelle du défendeur, a fait application de cette définition ;
qu’ayant
souverainement relevé, d’une part, que le séjour en France de Mme Mc Y...,
dans la résidence secondaire de la famille, était temporaire et avait pour
but principal d’aider l’enfant commun à poursuivre momentanément sa
scolarité en France et, d’autre part, qu’il ne ressortait pas des pièces
produites, notamment par l’épouse, que celle-ci ait eu la volonté de
transférer en France le centre habituel et permanent de ses intérêts, la
cour d’appel en a exactement déduit, sans méconnaître l’article 2 du Règlement CE n° 1347 du 29 mai 2000
alors applicable, que le juge aux affaires familiales français était
incompétent pour connaître de l’action en divorce ; que le moyen n’est fondé en
aucune de ses branches ;
Sur
le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu’il figure au mémoire
en demande et est reproduit en annexe :
Attendu
que M. X... reproche encore à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance
par laquelle le juge aux affaires familiales s’est déclaré incompétent ;
Attendu
que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des
éléments de preuve et par une décision motivée que la cour d’appel, qui n’était
pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a
estimé que les documents invoqués par l’époux et, notamment, les relevés
émanant d’établissements bancaires français, ne pouvaient constituer la
preuve de l’intention de Mme Mc Y... de fixer sa résidence habituelle en
France, de sorte que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
PAR
CES MOTIFS :
REJETTE
le pourvoi ;
Condamne
M. X... aux dépens ;
Vu
l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de
Mme Mc Y... ;
Ainsi
fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé
par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille
cinq.
Décision
attaquée : cour
d’appel d’Aix-en-Provence (6e chambre B) 2004-11-18
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