GIACOMO OBERTO
LES ELEMENTS DE FAIT REUNIS PAR LE JUGE :
L'ADMINISTRATION JUDICIAIRE DE LA PREUVE
DANS LE PROCES CIVIL ITALIEN
" Cette vieille erreur, qu'il n'y a de parfaitement vrai
que ce qui est prouvé,
et que toute vérité
repose sur une preuve,
quand, au contraire, toute preuve s'appuie
sur une vérité indémontrée ".
(Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté
et comme représentation, 1819).
Sommaire :
1. Introduction - Plan.
2. Le rôle de l'avocat (l'étendue du principe dispositif
dans le droit processuel italien et les effets de la récente
réforme du code de procédure civile qui a introduit
un système assez rigoureux de forclusions).
3. Le rôle et les pouvoirs du juge. Preuves et mesures d'instruction
dans le procès civil italien.
4. La décision portant sur l'admissibilité des mesures
d'instruction demandées par les parties.
5. La décision portant sur la pertinence des mesures d'instruction
demandées par les parties.
6. L'exécution des mesures d'instruction.
7. En guise de conclusion.
1. Introduction - Plan.
Ne vous attendez pas de moi à un cours de procédure civile
sur les preuves et les mesures d'instruction (1). Ici j'aimerais
plutôt esquisser le tableau de la pratique actuelle de l'administration
de la preuve dans le procès civil italien. Il s'agit pourtant
d'un thème qui ne peut pas être traité abstraction
faite des règles juridiques concernant cette matière,
c'est-à-dire des règles contenues dans les codes
civil et de procédure civile de mon pays (2). L'explication
de ces principes de droit me donnera aussi l'occasion d'essayer
de temps en temps une comparaison avec le système français,
duquel plusieurs dispositions italiennes dérivent, bien
qu'aujourd'hui l'administration judiciaire de la preuve suive,
des deux côtés des Alpes, des chemins divergents,
comme l'on verra à la conclusion de cette étude.
Il me semble presque inutile de rappeler au début de mon
rapport que les éléments de fait réunis au
cours du procès constituent la seule vérité
dont on doit tenir compte au moment de trancher l'affaire, la
loi interdisant au juge toute appréciation qui ne se base
pas sur ce "fondement probatoire", même lorsque
celui-ci est en contraste avec les convictions les plus intimes
et tenaces des magistrats chargés de rendre la décision
finale. Le juge se trouve souvent ici - comme on l'a exactement
remarqué - dans une terre accidentée, dont le législateur
n'a pas fourni les cartes, se situant sur la ligne de démarcation
entre le royaume de la liberté, qui caractérise
l'activité de l'historien, et celui de la nécessité
pour le praticien du droit de suivre des règles strictes
et formelles afin de reconstituer la vérité (3).
J'essayerai donc de présenter, pour ainsi dire, les grandes
lignes de l'administration de la preuve dans le procès
civil italien sous un point de vue essentiellement pratique, en
les illustrant à l'appui d'exemples tirés de mon
expérience professionnelle, sans pourtant oublier le contexte
où se situent les différentes créations de
la loi, de la jurisprudence, de la doctrine et de la pratique.
Suivant la suggestion qui m'a été donnée
par les organisateurs de ce colloque, j'aimerais développer
sur ce sujet quelques points clés et notamment :
- le rôle de l'avocat,
- le rôle et les pouvoirs du juge,
- l'admissibilité des mesures d'instruction,
- la pertinence des mesures d'instruction,
- l'exécution des mesures d'instruction.
2. Le rôle de l'avocat (l'étendue du principe
dispositif dans le droit processuel italien et les effets de la
récente réforme du code de procédure civile
qui a introduit un système assez rigoureux de forclusions).
"L'avocat, en matière civile - disait un célèbre
juriste de mon pays, Piero Calamandrei - doit être le juge
d'instruction de ses clients : plus consistant est le nombre des
ordonnances de non-lieu rendues dans son cabinet, plus il est
efficace" (4). Mais, une fois que la voie du procès
a été empruntée, l'avocat est appelé
à y jouer un rôle de protagoniste. Il s'agit d'une
tâche très délicate, compte tenu du principe
de l'instance qui gouverne le procès civil. Aux termes
de l'art. 99 c.p.c. it. (5) celui qui veut faire valoir ses droits
en justice doit en faire instance au juge compétent. Il
s'agit d'une règle étroitement liée au principe
d'égalité des parties et de l'impartialité
du juge qui, pour rester super partes, doit se borner à
rendre justice à ceux qui la lui demandent (ne procedat
judex ex officio) (6).
A cette règle de base se rattache aussi le principe dispositif,
qu'en Italie est entendu d'une façon bien plus étendue
que de ce côté des Alpes. Tandis qu'en France le
nouveau code de procédure civile a réduit ce principe
à l'allégation des faits, tout en exaltant l'office
du juge (qui est aujourd'hui le véritable "maître
de la preuve", eu égard aux pouvoirs d'office dont
il dispose en matière de mesures d'instruction (7)), en
Italie celui-ci ne peut pas ordonner d'office des mesures d'instruction
qui ne lui soient pas demandées par les parties (8), ni
peut-il suppléer la carence de ces dernières dans
l'administration de la preuve (9) : iudex iudicare debet juxta
alligata et probata partium (le juge doit trancher l'affaire
selon ce que les parties ont allégué et prouvé).
Les parties, de leur côté, doivent non seulement
alléguer, mais aussi prouver les faits propres à
fonder leurs prétentions ou leurs exceptions, conformément
à leur position (demandeur ou défendeur) dans l'affaire
: onus probandi incumbit ei qui dicit (10).
On pourrait se demander si une telle étendue du principe
dispositif est conforme à la Constitution de mon pays ;
autrement dit : existe-t-il un "droit à la preuve"
et quels sont ses limites dans la loi fondamentale ? On a essayé (11)
de fonder ce droit sur l'art. 24 de la Constitution italienne,
qui assure à toute personne le droit d'agir en justice,
c'est-à-dire le droit, pour l'auteur d'une prétention,
d'être entendu par un juge sur le fond de celle-ci (12). Mais
on a exactement objecté à cette thèse que,
si les parties d'un procès pouvaient invoquer un droit
constitutionnel à la preuve de la même ampleur du
droit à l'action en justice, il en dériverait l'illégitimité
de toutes les dispositions du code de procédure qui confient
au juge des pouvoirs discrétionnaires.
Ainsi le juge ne pourrait plus, par exemple, employer l'art. 245,
al. 1er, c.p.c. it. pour réduire les listes des témoins
lorsqu'elles sont surabondantes, ni pourrait-il refuser d'ordonner
l'exécution d'une mesure d'instruction laissée par
le code à sa discrétion (on peut penser ici à
l'expertise) lorsqu'une partie en ferait demande (13). Le résultat
serait donc celui d'entraver gravement le cours des procès
civils (14). D'ailleurs la Cour de cassation italienne a déjà
décidé qu'une objective difficulté de prouver
des faits ne peut pas soulever la partie concernée de la
charge de la preuve qui lui incombe (15). La conclusion est donc
la suivante : il n'existe un droit à la preuve que dans
le cadre des dispositions concernant les pouvoirs des parties
et du juge dans l'instruction de l'affaire (16).
Le rôle de l'avocat, déjà crucial pour les
raisons qu'on vient d'illustrer, est récemment devenu encore
plus délicat du moment que dans ce domaine la législation
italienne semble suivre une évolution tout à fait
opposée par rapport à celle du nouveau code de procédure
civile français. En effet le 1er mai 1995 est entrée
en vigueur en Italie une importante reforme du code de procédure
civile, approuvée par le Parlement en 1990 (loi n°
353 du 26 novembre 1990), qui a introduit un système assez
rigoureux de forclusions, touchant aussi aux moyens d'instruction.
Il faut savoir tout d'abord qu'avant cette loi (17) les parties
du procès pouvaient à tout moment (et jusqu'à
ce que le juge de la mise en état n'avait pas clôturé
l'instruction) modifier leurs demandes, exceptions et conclusions (18),
produire des pièces nouvelles, ou demander au juge d'ordonner
des mesures d'instruction (par exemple : entendre des témoins
sur des faits dont la partie prétendait rapporter la preuve).
Cette règle, qui est encore en vigueur pour les procès
commencés avant le 1er mai 1995 (19), permettait une formation,
pour ainsi dire, stratifiée du dossier, où les matériaux
probatoires s'entassaient de façon désordonnée
au cours de périodes d'une durée presque biblique.
Par contre, les nouveaux art. 163, 166, 167, 180, 183, 184 et
184-bis c.p.c. it. prévoient, pour les procès
commencés après le 1er mai 1995, un système
de forclusions assez strict en ce qui concerne les délais
dans lesquels les parties peuvent et doivent alléguer des
faits, avancer leurs demandes, soulever leurs exceptions, présenter
des demandes reconventionnelles, modifier leurs conclusions, offrir
les éléments de preuve et demander au juge de la
mise en état qu'une ou plusieurs mesures d'instruction
soient ordonnées (20).
En ce qui concerne en particulier l'indication des éléments
de preuve cela doit se faire soit dans les actes introductifs
du litige (assignation pour le demandeur et constitution d'avocat
pour le défendeur), soit au cours d'une des premières
audiences (normalement la deuxième), soit encore, au plus
tard, dans un délai fixé par le juge au cours d'une
des toutes premières audiences et déclaré
par la loi comme péremptoire (cf. le nouvel art. 184 c.p.c.
it.). Il ne relève pas de ma compétence d'exprimer
dans ce lieu une appréciation sur le système italien
des forclusions ; ici je me borne à constater que, malgré
une très forte opposition par le barreau de mon pays (ce
qui explique cette vacatio legis presque quinquennale),
la doctrine et la jurisprudence lui ont réservé
un accueil favorable (21). De surcroît, on pourrait encore
ajouter que ce même principe paraît conforme aux recommandations
de la législation supranationale (22).
La doctrine italienne tend aujourd'hui justement à considérer
ce système de forclusions comme relevant du droit public,
tandis qu'auparavant la jurisprudence de la Cour de cassation
faisait dépendre des exceptions des parties concernées
l'application des forclusions prévues dans l'ancien système (23).
Maintenant c'est donc au juge de s'apercevoir et de relever, même
d'office, que telle ou telle autre mesure d'instruction ne peut
pas être ordonnée puisqu'un délai péremptoire
n'a pas été respecté par la partie qui la
demande, même lorsque l'autre partie n'a rien à objecter,
soit par ignorance, soit par collusion (24).
Tout ce qu'on vient de dire signifie que l'avocat doit maintenant
jouer un rôle bien plus important qu'auparavant, lorsqu'il
avait tout le temps de rester dans son cabinet préparer
la défense de son client au fur et à mesure que
l'affaire se déroulait, tout en gardant soigneusement pour
le dernier moment le "coup de théâtre"
qui ferait pencher de son côté la balance de la justice.
En plus il faut aussi tenir compte du fait que le juge est aujourd'hui
obligé par la loi à ordonner la comparution personnelle
des parties à la première ou (normalement) à
la deuxième audience (25) : les réponses des parties
(et de leurs avocats), mais aussi leurs silences ou leurs contradictions
peuvent être appréciées par le juge dans le
cadre de son évaluation des éléments de preuve
(cf. les art. 183, al. 1er à 3,116, al. 2, et 117 c.p.c.
it.).
Aux termes des nouvelles règles de procédure l'avocat
ne peut donc plus envoyer à l'audience - comme il était
normal auparavant - un collègue qui ne connaît rien
à l'affaire ou, pis encore, une secrétaire de son
cabinet, chargée d'arpenter fiévreusement les couloirs
du palais de justice afin d'attraper un avocat pris au hasard
et de l'investir sur-le-champ du pouvoir de représenter
devant le juge le malheureux client. Tout cela pourra encore,
bien évidemment, se produire, et il se produit en effet,
mais de plus en plus aux frais des parties, qui très souvent
perdent leur cause seulement en conséquence des fautes
professionnelles de leurs avocats. J'aimerais citer ici encore
une fois Piero Calamandrei : "souvent - disait-il - le client
ignore qu'après avoir gagné sa cause, au lieu de
courir ému embrasser son avocat, il devrait plutôt
remercier l'avocat de son adversaire" (26).
3. Le rôle et les pouvoirs du juge. Preuves et mesures
d'instruction dans le procès civil italien.
Le nouveau droit processuel italien entré en vigueur le
1er mai 1995 est aussi en train de changer la façon de
travailler des magistrats qui s'occupent des affaires civiles.
Avant cette loi, le juge de la mise en état n'était
pratiquement pas toujours obligé d'étudier à
fond chacun de ses dossiers jusqu'au moment où il ordonnait
la clôture de l'instruction. D'ailleurs, toute idée
qu'il aurait pu se faire du litige était susceptible d'être
tout à coup bouleversée par des nouvelles conclusions
ou des nouvelles preuves. Pour donner une idée de la situation
avant la réforme du code de procédure (ce qui vaut
encore aujourd'hui pour les "vieux" procès) je
rappellerai ici l'appréciation exprimée en 1988
par le C.S.M. italien dans son avis sur le projet de reforme :
"le juge civil est un personnage qui reste dans l'ombre pendant
le déroulement du procès. Trop souvent il en est
réduit au rôle de 'calendrier parlant', dont la tâche
n'est que celle d'indiquer les dates des ajournements (...). La
véritable présence du juge se concentre ainsi au
dernier moment (du procès) : celui de la décision
de l'affaire" (27).
A tout cela il faut encore ajouter que la durée proverbiale
des procès italiens menait (et mène encore au présent)
pas mal d'avocats à persuader leurs clients que, selon
le vieux dicton, "mauvais accommodement vaut mieux que bon
procès" (28). Cela signifie concrètement qu'après
que le juge de la mise en état a investi beaucoup de son
temps dans l'étude des questions de fait et de droit concernant
une affaire, celle-ci lui est soustraite, sans que celui-ci puisse
s'y opposer ; en plus, ça arrive très souvent après
que des mesures d'instruction ont été ordonnées
et exécutées. Si l'on ajoute que les statistiques
judiciaires (sur la base desquelles les magistrats sont évalués
lors de leur progression en carrière) ne tiennent aucun
compte de l'activité de mise en état et d'instruction,
on doit en conclure que le juge travaille assez peu volontiers
sur ses dossiers avant le moment du jugement final, ayant souvent
l'impression d'accomplir une tâche inutile.
Cette situation est en train de changer à la suite de la
reforme de 1990 (qui n'est entrée en vigueur, on le rappelle,
que pour les procédures entamées à partir
du 1er mai 1995). Maintenant le juge chargé de l'instruction
doit, dans la première ou la deuxième audience,
entendre les parties du procès et les interroger sur les
faits, en leur demandant les éclaircissements nécessaires
et en essayant de les concilier. A la fin de cette audience, ou
éventuellement dans l'audience suivante, il doit se prononcer
sur les mesures d'instruction qui lui sont demandées par
les parties (cf. art. 183 et 184 c.p.c. it.). Tout cela ne peut
pas se faire si le juge n'a pas une parfaite connaissance des
pièces et des questions de fait et de droit qui font l'objet
du litige.
Donc, après que la tentative de conciliation a échoué,
le juge de la mise en état doit d'abord évaluer
les deux "projets d'instruction" de l'affaire que les
parties lui soumettent et répondre aux trois questions
suivantes :
a) Ces moyens de preuve sont-ils légalement admissibles
?
b) Ces moyens de preuve sont-ils pertinents ?
c) Est-il opportun d'ordonner d'office une mesure d'instruction
?
Il est évident que de la réponse à ces trois
questions fondamentales dépend très souvent la décision
de l'affaire. J'aimerais maintenant examiner les deux premiers
de ces trois points à l'appui aussi de quelques exemples
tirés de l'expérience pratique.
Tout d'abord il faudra cependant donner quelques informations
sur la notion de preuve et passer en revue très rapidement
les moyens de preuve prévus par le système italien.
Les preuves ont été définies par la doctrine
comme les instruments par lesquels le juge forme sa propre conviction
sur la vérité ou sur la non-vérité
des faits allégués par les parties (29). On distingue
alors entre la preuve et les moyens de preuve, ces derniers étant
les mesures d'instruction par lesquelles on peut atteindre la
première (autrement dit : la preuve comme le résultat
final d'un processus tendant à l'établissement de
la vérité) (30). On fait aussi une distinction très
claire et nette entre preuves et "arguments" de preuve (31),
ceux-ci n'étant que des éléments que le juge
peut employer pour apprécier d'autres preuves, mais qui
en soi ne seraient pas suffisants pour démontrer un fait (32).
D'ailleurs aux preuves "tout court" - autrement dites
: "preuves libres" - s'opposent les "preuves légales"
(aveu de la partie concernée, serment), qu'à la
différence des premières sont soustraites à
toute appréciation par le juge au moment de la solution
du litige (33).
On parle, encore, de preuves "préconstituées" (34),
pour indiquer celles qui se forment en dehors du procès (35)et
de preuves "à constituer", pour indiquer celles
qui, par contre, se forment dans le procès (36) ; de preuves
directes, pour dénoter celles qui se forment à la
suite d'une ou de plusieurs mesures d'instruction (37), et de preuves
indirectes, soit d'indices ou présomptions (38). Parmi les
preuves "préconstituées" les plus employées
on pourra rappeler ici la preuve littérale, dont la réglementation
donnée par le code civil et par le code de procédure
civile est assez riche en ce qui concerne la production, volontaire
ou forcée, des pièces et des documents (39). Le système
italien distingue aussi entre acte authentique et acte sous seing
privé et, du point de vue des contestations relatives à
la preuve littérale, il aménage des procédures
- incidentes aussi bien que principales - en reconnaissance ou
vérification d'écriture, ainsi que d'inscription
de faux (40).
Les preuves légales sont constituées par l'aveu
de la partie concernée et par le serment, dans les formes
(tirées de la législation française) du serment
décisoire et du serment supplétoire (41). En ce qui
concerne l'aveu, celui-ci peut être provoqué par
l'interrogatoire sur faits et articles, abandonné pour
son évidente inutilité en France depuis 1942 (42).
L'interrogatoire est aussi l'une des preuves orales, comme la
comparution personnelle des parties - de laquelle pourtant le
juge ne peut tirer (comme dans le cas d'absence ou de refus de
répondre) que des "arguments de preuve" (43) -
et l'enquête, qui est aussi la plus importante des preuves
"à constituer" (44).
Malgré le principe dispositif le système italien
aménage un certain nombre de preuves dont l'initiative
est laissé d'office au juge. On pourra mentionner à
cet égard l'expertise (art. 61, 191 à 201 c.p.c.
it.), la comparution personnelle des parties (art. 117, 183, al.
1er à 3, 185, 420, al. 1er à 3, 421, al. 4, c.p.c.
it.), la descente sur le lieu et les vérifications personnelles
du juge (art. 118, 258 à 262 c.p.c. it.), la requête
d'informations à une administration publique (art. 213
c.p.c. it.), certains (d'ailleurs assez limités) pouvoirs
d'office en matière d'enquête (45), la production forcée
des pièces comptables et des documents des entreprises
(art. 2711, al. 2, c.c. it.), le serment supplétoire et
celui d'estimation (art. 2736 et s. c.c. it., 240 et s. c.p.c.
it.) (46).
En ce qui concerne en particulier les mesures d'instruction exécutées
par un technicien, il faudra rappeler que le système italien
ne connaît pas la tripartition entre constatations techniques,
consultations techniques et expertise (47), mais une simple distinction
entre constat et expertise, dont le premier peut être demandé
en référé aussi avant tout procès,
exactement comme en France, lorsqu'il existe un motif légitime
de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait
dépendre la solution du litige (48).
Le rôle du juge italien dans l'expertise (49) est réglé
par les mêmes principes caractérisant le système
français, synthétisés et rappelés
aux jeunes magistrats comme il suit par une publication de l'Ecole
Nationale de la Magistrature (50) :
- Le juge n'est pas lié par les conclusions du technicien
(art. 246 nouv. C. pr. civ. fr.) et doit conserver un esprit critique
vis à vis du rapport déposé qui ne constitue
qu'un avis (cf. aussi les art. 61, 62, 194, 196, 197 c.p.c. it.,
au termes desquels l'expert n'est qu'un "assistant"
du juge : on dit chez nous que le juge est peritus peritorum,
voire l'"expert des experts").
Le juge n'est pas dessaisi par la décision qui ordonne
une mesure d'instruction (art. 153 nouv. C. pr. civ. fr. ; cf.
aussi l'art. 194 c.p.c. it.).
Le juge veille au bon déroulement de l'instance; il a
le pouvoir, pour ce faire, d'impartir des délais, d'ordonner
les mesures nécessaires (art. 3 et 241 nouv. C. pr. civ.
fr.), d'accroître ou de restreindre la mission confiée
au technicien (art. 236 nouv. C. pr. civ. fr.), d'assister aux
opérations effectuées par celuici et lui demander
des explications oralement à l'audience, sur les lieux
ou par écrit; il peut ordonner la communication de tous
documents aux parties et aux tiers sur la demande de l'expert
(cf. aussi les art. 194 et 196 c.p.c. it.).
Le juge vérifie que le principe du contradictoire est
respecté par le technicien. Si ce n'est pas le cas, il
fait refaire l'acte litigieux dont la nullité est ainsi
couverte par sa régularisation (art. 115 nouv. C. pr. civ.
fr. ; cf. aussi l'art. 194 c.p.c. it. en relation avec les art.
101 et 162 c.p.c. it.).
Cette mission de contrôle devra donc porter sur la qualité
de l'expertise, mais aussi sur la durée de la mission et
sur le coût.
Il faudra encore ajouter a toutes ces règles que l'expertise,
comme tout moyen d'instruction, doit respecter le principe dispositif.
Cela signifie - surtout dans le système italien, où
les pouvoirs d'office du juge dans l'administration de la preuve
sont tout à fait exceptionnels - qu'elle ne pourra jamais
être ordonnée pour rechercher des faits que la partie
aurait pu et dû alléguer et prouver (51).
Le manque d'une procédure telle que la consultation technique
mets les juges italiens dans l'alternative d'ordonner une expertise,
même lorsque cet instrument apparaît disproportionné
par rapport à l'entité du litige, ou bien de se
passer de tout avis technique. Encore une fois on pourra donc
remarquer une plus évidente "souplesse" de la
procédure française par rapport à celle italienne.
En conclusion sur ce sujet il faut rappeler que les mesures d'instruction
sont formellement spécifiées par la loi : cela veut
dire qu'elles constituent un numerus clausus, sans aucune
possibilité d'en ajouter d'autres. Ceci empêche au
juge, par exemple, de tenir compte des soi-disant "preuves
atypiques" (52), parmi lesquelles on pourra mentionner les
attestations de tiers, qui sont par contre expressément
considérées par le code français (53).
Les décisions qui ordonnent ou qui refusent d'ordonner
une mesure d'instruction, qui modifient ou refusent de modifier
une telle mesure ne sont pas susceptibles d'opposition devant
un juge différant de celui qui les a rendues. Bien entendu,
au moment de la décision finale, la partie concernée
pourra demander au juge qui va trancher l'affaire (qui pourrait
être, le cas échéant, soit le même juge
de la mise en état, soit le tribunal en formation collégiale)
ou encore au juge d'appel, de modifier ces décisions et,
le cas échéant, de renvoyer la cause devant le juge
de la mise en état. Il s'agit ici d'une caractéristique
du "nouveau rite", qui, en modifiant l'art. 178 du code
de procédure civile, a éliminé (mais seulement
pour les procès commencés après le 1er mai
1995) la possibilité pour les parties de se pourvoir en
tribunal en formation collégiale contre les décisions
du juge de la mise en état portant sur l'admissibilité
et sur la pertinence des mesures d'instruction (54).
4. La décision portant sur l'admissibilité
des mesures d'instruction demandées par les parties.
Juger si une mesure d'instruction est légalement admissible
signifie vérifier si l'activité qu'on demande au
juge d'accomplir est conforme à la loi. Il s'agit d'un
sujet très complexe, qui ne peut pas être traité
exhaustivement ici. On pourra dire, en résumant, que ce
jugement de conformité à la loi doit être
fait sous différents points de vue.
a. En premier lieu le juge doit veiller à ce que les parties
du procès ne violent pas les règles déterminant
la façon et le temps où leurs demandes doivent être
présentées. On pourra à ce propos citer l'exemple
de la requête d'une mesure d'instruction après qu'un
délai de forclusion est expiré (55).
b. En deuxième lieu il faut vérifier que la mesure
demandée ne viole pas les règles concernant la façon
de prouver les faits. Le système italien contient plusieurs
interdictions et limites en matière de preuve, surtout
en ce qui concerne la preuve testimoniale. Notre code civil prévoit
d'abord une série de limites de caractère général
en matière contractuelle qui sont dérivés,
grosso modo, des art. 1341 et s. du code Napoléon (56).
Mais il y a aussi, exactement comme dans le système français,
plusieurs dispositions particulières concernant la preuve
de tel ou de tel autre contrat. Par exemple, les contrats d'assurance
et de transaction ne peuvent pas être prouvés par
témoins (art. 1888 et 1967 c.c. it.). En plus, il faut
tenir compte des règles du droit matériel en matière
de forme imposée par la loi à peine de nullité
: ainsi une donation doit normalement être stipulée
par acte authentique à la présence de témoins
(art. 782 c.c. it.) et la vente d'un immeuble doit être
faite par écrit (art. 1350 c.c. it.) (57).
c. Une troisième question d'admissibilité peut se
poser par rapport au respect des règles concernant la façon
d'effectuer une mesure d'instruction. Chaque mesure d'instruction
doit en effet se dérouler de manière conforme aux
principes spécifiquement établis pour elle par le
code de procédure. On pourra ici porter quelques exemples
tirés du moyen d'instruction le plus largement employée,
c'est à dire de l'enquête.
L'art. 244 c.p.c. it. stipule que la partie qui veut faire entendre
des témoins doit indiquer les personnes dont elle sollicite
l'audition et préciser les faits sur lesquels les témoins
doivent être entendus (58). Ces faits doivent aussi être
précisés par écrit dans des articles séparés
les uns des autres.
L'avocat doit donc alléguer des faits de façon
spécifique. Cela signifie d'abord que le juge ne pourra
jamais ordonner une enquête sur des faits qui n'aient pas
été précisés par les parties. Par
exemple, dans un procès où il s'agit de vérifier
si le vendeur d'une machine est tenu de la garantie des défauts
cachés de la chose vendue, le juge ne pourrait pas ordonner
une enquête sur un article de preuve par témoins
ainsi conçu : "la machine présentait des vices
qui en empêchaient l'usage". Par contre, l'acheteur
devra alléguer et préciser quels étaient
les vices en question.
Mais la loi parle aussi de faits : cela exclut donc la
possibilité de demander aux témoins toute forme
d'appréciation. Ainsi le juge chargé de l'instruction
d'une affaire de séparation de corps entre époux
ou de divorce ne pourra pas (59) ordonner une enquête sur
un article de preuve par témoins ainsi conçu : "M.
Untel était un bon (ou un mauvais) mari", ou bien
: "M. Untel traitait mal (ou traitait bien) sa femme"
; il devra par contre exiger que les parties allèguent
de façon spécifique quels sont les épisodes
desquels le juge (le juge seulement et non les témoins)
pourra porter une appréciation sur la personnalité
des sujets concernés.
Pour citer un autre exemple, si le propriétaire d'une maison
récemment bâtie dont le toit s'est effondré
demande au constructeur les dommages-intérêts, et
celui-ci invoque le cas fortuit représenté dans
l'espèce par une trompe on ne pourra jamais demander à
un témoin quelle est la cause de l'effondrement du toit.
Ce genre de question pourra par contre former l'objet d'une expertise,
au cours de laquelle l'expert devra vérifier si le constructeur
a respecté le cahier des charges, s'il a accompli son travail
selon toutes les règles de l'art et quel peut être
l'incidence des événements atmosphériques
qui se soient éventuellement produits.
Un autre exemple qu'on peut citer est celui des faits négatifs.
Il arrive assez souvent qu'un avocat écrive dans un article
de preuve par témoins que "M. Untel n'a jamais eu
connaissance de tel fait", ou bien qu'il "n'a jamais
reçu le paiement de tel somme", etc. Voila ce que
j'appelle la "preuve des frères siamois" : il
n'arrive en effet que chez eux que l'un des deux puisse exclure
avec toute certitude un fait quelconque concernant la vie de l'autre.
De surcroît cette preuve se manifeste souvent inutile, puisqu'elle
ne correspond pas aux règles concernant la charge de la
preuve. Ainsi, par exemple, en matière d'exécution
des obligations, ce n'est pas le créancier qui doit prouver
que le débiteur n'a pas accompli son obligation, mais c'est
au dernier de démontrer d'avoir payé sa dette (art.
2697 c.c. it. et 1315 C. civ. fr.) (60).
Les conséquences d'un jugement d'inadmissibilité
d'une enquête sur les points qu'on vient d'illustrer sont
assez graves pour la partie concernée, d'autant plus que
la réforme de 1990 a éliminé la possibilité,
prévue auparavant par le troisième alinéa
de l'art. 244 c.p.c. it., que le juge chargé de l'instruction
invite l'avocat à modifier, en les écrivant à
nouveau, ses articles de preuve par témoins, dans un délai
péremptoire fixé par le juge même. Aujourd'hui
le nouvel art. 184 c.p.c. it. ne confie plus au juge ce pouvoir,
sauf que la partie concernée en fasse demande.
En commentant cette disposition j'ai soutenu que - en ce qui concerne
les procédures se déroulant devant le tribunale
(correspondant à peu près au T.G.I. français)
- le juge de la mise en état, lorsqu'il aperçoit
qu'un ou plusieurs articles formulés par les parties ne
sont pas légalement admissibles (parce que, par exemple,
ils sont exprimés de façon vague, ou contiennent
des appréciations, etc.), pourrait solliciter lui-même
les parties à lui demander de fixer un délai afin
de pouvoir modifier les articles de preuve (61). Je me suis pourtant
plusieurs fois demandé si par hasard l'exercice de ce pouvoir
ne contraste pas avec une des règles fondamentales de l'éthique
professionnelle du juge, qui est celle de s'abstenir de toute
intervention qui puisse altérer le déroulement du
procès, même lorsqu'il s'aperçoit qu'un avocat
est en train de porter son client à la ruine. En toute
franchise je serais très curieux de savoir comment ce problème
est-il résolu dans la pratique française, face,
d'un côté, aux pouvoirs d'office presque illimités
du juge, et d'autre coté, à l'art. 146, al. 2, nouv.
C. pr. civ. fr., qui interdit au juge de suppléer la carence
de la partie dans l'administration de la preuve (62).
Un dernier cas d'irrecevabilité de la preuve (par témoins)
concerne l'incapacité de témoigner en justice frappant
toute personne ayant dans l'affaire un intérêt qui
en pourrait justifier la participation au litige. Un exemple très
intéressant qu'on peut porter est celui des époux
soumis au régime de la communauté légale.
Supposons, par exemple, que M. Mario Rossi, propriétaire
d'un appartement acheté avant son mariage et situé
dans un immeuble en copropriété, attaque en justice
son voisin M. Giovanni Bianchi, qui habite à l'étage
supérieur, en soutenant que celui-ci a provoqué
par sa faute une fuite d'eau qui a taché les parois de
sa maison.
L'avocat de M. Giovanni Bianchi s'oppose à ce que Mme Mario
Rossi soit entendue en tant que témoin, étant le
couple marié sous le régime de la communauté
légale. Or, avant un arrêt de la Cour constitutionnelle (63),
l'art. 247 c.p.c. it. interdisait de façon absolue à
un conjoint de témoigner dans les procès dont l'autre
était partie. Ladite décision de la Cour a abrogé
cette disposition et maintenant le problème doit être
résolu en faisant appel aux principes généraux
en matière d'incapacité des témoins (art.
246 c.p.c. it.). Cela signifie que la décision du juge
de la mise en état doit dépendre de la qualité
juridique de l'appartement par rapport au régime matrimonial.
Ainsi, si l'immeuble est un propre du demandeur (car, par exemple,
il a été acquis avant le mariage ou il est parvenu
au mari à titre de succession ou de donation), le conjoint
de celui-ci ne sera frappé d'aucune forme d'incapacité,
car selon l'art. 179, lettre e) c.c. it., les biens (et donc aussi
les sommes d'argent) obtenus à titre de dommages-intérêts
ne font pas l'objet de la communauté légale. Par
conséquent, dans l'exemple que j'ai fait, Mme Mario Rossi
n'a aucun intérêt pouvant justifier sa participation
au procès entamé par son mari ; elle pourra donc
être entendue comme témoin (64).
5. La décision portant sur la pertinence des mesures
d'instruction demandées par les parties.
Je voudrais maintenant attirer Votre attention sur le problème
posé par le fait que toute mesure d'instruction doit être
pertinente avec la décision des questions de fait et de
droit qui devront être tranchées au moment de la
solution du litige. Cette idée, exprimée par l'art.
184 du code de procédure civile italien, est aussi contenue
dans les art. 9, 147 et 222, al. 2, nouv. C. pr. civ. fr., aux
termes desquelles : "Il incombe à chaque partie de
prouver conformément à la loi les faits nécessaires
au succès de sa prétention", "Le juge
doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant
pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce
qui est le plus simple et le moins onéreux" et "Il
appartient au juge qui ordonne l'enquête de déterminer
les faits pertinents à prouver". Donc : frustra
probatur quod probatum non relevat (il est inutile de prouver
ce qui, une fois prouvé, n'est pas pertinent) (65).
Une différence fondamentale frappe pourtant tout de suit
l'il du comparatiste : dans le système italien les
rares cas où le juge peut suppléer à la carence
d'initiative d'une partie sont tout à fait exceptionnels.
En ce qui concerne en particulier la preuve testimoniale, le juge
ne peut ordonner d'office aucune enquête (66), ni peut-il
déterminer les faits pertinents à prouver (67), sinon
de façon tout à fait indirecte, c'est-à-dire
en éliminant les articles incorrectement formulés
par les parties.
Il est intéressant d'observer que la décision portant
sur la pertinence d'une mesure d'instruction est encore plus importante
que celle concernant son admissibilité, la première
devant toujours précéder la deuxième. En
effet, cela n'a pas de sens de s'interroger sur la recevabilité
d'une preuve, ou bien sur la capacité d'un témoin,
si cette preuve ne peut pas influencer la solution du litige (68).
La décision portant sur la pertinence de telle ou de telle
autre mesure d'instruction est souvent très délicate,
puisqu'il arrive très fréquemment que le juge de
la mise en état est appelé à faire des appréciations
touchant le fonds de l'affaire et qui parfois dévoilent
quelle est sa pensée sur la façon dont le litige
devrait être tranché (69). Par exemple, supposons que
deux parties soient en train de se disputer dans une affaire sur
la validité d'un titre écrit concernant la propriété
d'un champ et qu'une d'entre elles prétende, de façon
subordonnée à la demande principale, dans le cas
où le tribunal devrait affirmer la nullité de son
titre, d'être reconnu comme propriétaire du champ
en vertu d'usucapion. Or, si j'ordonne l'enquête sur les
articles tendant à prouver sa possession pour une période
égale ou supérieure à vingt ans (cfr. art.
1158 c.c. it.) je fais comprendre que je ne suis pas du tout convaincu
de la validité du titre : autrement je n'aurais pas ordonné
une enquête sur des circonstances jugées par moi
comme non pertinentes.
La motivation de la décision portant sur la pertinence
d'une preuve est devenue maintenant plus délicate, après
l'introduction du juge unique en tribunal (à la suite de
la réforme de 1990, en vigueur pour les procès commencés
après le 1er mai 1995). Il arrive en effet très
souvent que le magistrat qui va ordonner et exécuter les
mesures d'instruction soit aussi le même qui va trancher
l'affaire en premier degré, en tant que juge unique. Le
système en vigueur avant 1995 permettait toujours au juge
de la mise en état (juge rapporteur au moment de la décision)
de se "cacher" derrière l'écran de la
collégialité, même lorsque c'était
lui qui avait changé d'avis. Aujourd'hui cela n'est plus
possible. Il est bien évidemment concevable qu'un juge
change son opinion au moment de la décision finale (re
melius perpensa [après avoir mieux réfléchi
sur l'affaire] ..., disons-nous dans ce cas-là), mais cela
ne pourrait se faire qu'avec pas mal d'embarras, surtout lorsqu'il
s'agit de renvoyer l'affaire à la phase de la mise en état
et donc de prolonger, parfois pour des mois ou des années,
un litige qui dure peut-être déjà depuis trop
longtemps.
Cependant, si je peux porter une appréciation sur le fonctionnement
des mesures d'instruction dans mon pays, je dois dire, sur la
base de mon expérience, que le "matériel probatoire"
récolté au cours de la phase de l'instruction est
trop souvent surabondant. Cela vaut en premier lieu pour ce qui
concerne les pièces produites par les parties, où
l'on peut estimer qu'environ 60-70% (70) de celles-ci n'ont aucune
utilité en vue de la décision finale sur l'affaire.
Pourtant, aucun moyen n'existe pour le juge de s'opposer à
ce véritable déluge de papier qui trop souvent nous
fait suspecter que les avocats se fassent payer par leurs clients
en proportion du poids des dossiers.
D'ailleurs, s'agissant de preuves préconstituées,
il est évident qu'on ne peut pas penser à une décision
préalable du juge de la mise en état sur la recevabilité
et sur l'utilité des pièces produites par les parties
: en effet, cette décision ne constituerait qu'un dédoublement
du jugement que le même juge (ou la formation collégiale)
devra rendre sur ces documents lors de la décision sur
le fond de l'affaire (71). Mais il est de toute façon évident
que pour apprécier la recevabilité et l'utilité
des pièces produites il faut les lire, même pour
découvrir leur parfaite inutilité, ce qui provoque
une remarquable perte de temps précieux.
Ce grief s'adresse donc bien évidemment aux avocats, mais
nous les juges nous non plus ne sommes pas exemptes de défauts
; à nous aussi on pourrait en effet reprocher de gaspiller
pas mal d'activité d'instruction. Cela vaut surtout pour
les enquêtes, où il arrive très souvent que
les avocats proposent des articles de preuve par témoins
sur des faits n'ayant aucun lien avec la solution du litige et
que le juge, pour manque de temps ou pour sa commodité,
ordonne "à l'aveuglette" une enquête sur
ces faits. Il arrive ainsi que pas mal de fois on demande aux
témoins de confirmer des circonstances déjà
prouvées par des pièces produites, dont la signature
n'a jamais été contestée par la partie à
qui l'écriture à été attribuée (72).
Plus souvent il s'agit de faits n'ayant rien à avoir avec
la définition du litige : ainsi il arrive dans un nombre
assez remarquable d'affaires qu'une des parties essaie de présenter
tous les aspects négatifs de la personnalité de
l'adversaire, même lorsqu'il s'agit de résoudre des
questions strictement techniques ou de droit. Voila donc une bonne
raison de plus pour mieux étudier les dossiers dés
leur début.
D'ailleurs il ne faut jamais oublier que les faits qui doivent
être prouvés ne sont que ceux qui sont contestés (73).
Là aussi il arrive très souvent que les circonstances
énoncées par un avocat dans ses articles de preuve
par témoins soient absolument indiscutées par l'adversaire.
Le juge de la mise en état est donc appelé ici à
accomplir un travail de confrontation entre les actes des parties
afin de comprendre quels éléments sont contestés
et quels sont indiscutés.
Pourtant tout cela est souvent rendu difficile par le style assez
contourné suivi par nombreux avocats dans la rédaction
de leurs actes. La solution que j'ai repérée dans
mon expérience pratique est de provoquer, d'une certaine
façon, les avocats, et de les inviter à s'exprimer
de façon claire et détaillée, sur les allégations
de l'adversaire. Ainsi, face à une ou à plusieurs
"mi-contestations", je fixe à la partie concernée
un délai pour déposer un mémoire où
elle doit clairement énoncer quelles sont les circonstances,
parmi celles alléguées par son adversaire, qu'elle
veut contester. Je n'ordonnerai donc que les mesures d'instruction
strictement visant à éclaircir les faits objet de
contestation (pourvu, bien entendu, qu'ils soient utiles pour
la solution du litige et que les mesures demandées soient
légalement admissibles).
6. L'exécution des mesures d'instruction.
La façon d'exécuter les mesures d'instruction constitue
à mon avis un des aspects les plus négatifs de l'administration
de la justice dans mon pays. J'entends surtout me référer
ici aux audiences consacrées à la comparution des
parties et à l'audition des témoins, qui se déroulent
d'une manière qui me fait rougir de honte à chaque
fois que j'en parle. Il faut d'abord que Vous sachiez que ces
mesures d'instruction ne peuvent pas être exécutées
dans une salle d'audience, puisque normalement la seule salle
d'audience que les palais de justice consacrent au civil est réservée
aux débats. D'ailleurs, comme chaque juge de la mise en
état consacre aux mesures d'instruction au moins trois
demi-journées par semaine, il en suit que le Palais d'une
moyenne ou d'une grande ville d'Italie devrait disposer aux moins
de vingt ou trente salles d'audience à destiner à
l'activité d'exécution des mesures d'instruction.
Par conséquent, en Italie les juges chargés de l'instruction
des affaires civiles tiennent les audiences dans leurs propres
bureaux. Si l'on pense que pas mal de fois ces locaux sont partagés
avec d'autres collègues et qu'il s'agit très souvent
(l'Italie étant une terre de saints) de cellules d'anciens
couvents, on peut bien se rendre compte des conditions matérielles
dans lesquelles on essaye de rendre justice. Forcément
entassés dans des niches mortuaires, juge, avocats, parties,
témoins, se trouvent ainsi tous autour d'une petite table,
tous au même niveau, dans une situation - comme j'aime dire
- de "contiguïté charnelle", qui ferait
penser plutôt à une conversation de bistrot qu'à
la célébration d'un procès.
Ne Vous inquiétez pas. Je ne souhaite pas l'introduction
de perruques ou de fourrures à la façon d'outre-Manche
; je me borne ici à plaider pour l'adoption d'un décorum
(et d'un décor !) qui rappelle à tout le monde qu'au
Palais on se trouve pas pour faire de la conversation. L'introduction
d'un peu plus de solennités et de formalités pourrait
contribuer, à mon avis, à empêcher les témoins
(très souvent liés aux parties par des rapports
d'amitié, inimitié, parenté, intérêt)
de mentir ou au moins de "glisser" sur les questions
les plus épineuses. Cela pourrait peut-être aussi
empêcher les avocats et les parties d'intervenir à
tout moment pendant l'audition et de répondre à
la place des témoins, ce qu'ils ont de plus en plus l'habitude
de faire, en protestant vigoureusement si le juge a l'impudence
(d'essayer) de s'opposer à cette pratique (74) !
Cette situation lamentable est aggravée par ce que j'aime
définir comme un véritable manque de vertu civique
chez beaucoup de mes compatriotes. Je pourrais citer ici le cas,
pas du tout exceptionnel, du témoin qui m'avait fait savoir
de ne pas pouvoir se présenter à l'audience à
cause d'"engagements bien plus importants liés à
l'activité de mon entreprise". En effet, si on pense
au fait que le témoin défaillant n'encourt pratiquement
aucune conséquence (75), cela ne doit pas étonner
que les audiences consacrées aux enquêtes soient
à maintes reprises reportées.
D'ailleurs, pour revenir au sujet de la crédibilité
de la preuve testimoniale, il faut tenir compte du fait que depuis
1989 le juge n'a plus aucun pouvoir d'ordonner l'arrestation d'un
faux témoin, mais qu'il doit se limiter à le dénoncer
au parquet, qui éventuellement pourra déclencher
contre celui-ci une poursuite pénale. Ce procès,
évidemment, pourra parvenir jusqu'à la Cour de
cassation, bien entendu à condition qu'entre-temps le délit
ne soit pas tombé en prescription, ce qui arrive en effet
très souvent. Et si l'on pense aussi aux différentes
possibilités d'amnisties, remises de peine, procédures
alternatives, sursis, peines alternatives à l'emprisonnement,
etc. aménagées par la législation pénale,
il y a vraiment très peu de chances qu'un faux témoin
puisse enfin franchir les portes d'une prison.
Pour rester encore sur le sujet de la crédibilité
de l'enquête on pourra rappeler qu'après une récente
décision de la Cour constitutionnelle italienne (76) les
témoins ne prêtent plus serment. Ils se limitent,
par contre, à lire une déclaration que le juge leur
soumet ; une déclaration, d'ailleurs, qu'au citoyen dépourvu
d'une moyenne culture juridique apparaît sûrement
moins compréhensible que la formule d'un serment (77). En
effet il m'est arrivé plusieurs fois, après avoir
informé les témoins des peines encourues s'ils se
rendraient coupables d'un faux témoignage, de leur demander
s'ils avaient compris le sens de la déclaration qu'ils
venaient de lire d'un air si effaré et j'ai dû constater
que bon nombre des personnes interrogées n'avaient aucune
idée de la signification de cette phrase.
En plus - ce qui est pour moi encore plus inexplicable - un nombre
incroyablement élevé de témoins, au lieu
de lire le mot : "deposizione" [déposition],
prononce le mot : "disposizione" [disposition], ce
qui enlève tout sens à la formule. Il m'arrive aussi
pas mal de fois de constater qu'un témoin n'est pas du
tout en état de lire, ou bien qu'il se déclare carrément
analphabète, avant même d'essayer toute lecture.
Dans ces cas-là j'adopte la solution inventée par
les prêtres qui veulent faire prier les athées sur
leur lit de mort ; c'est-à-dire que je prononce moi-même
la formule en la faisant répéter, morceau par morceau,
par le témoin.
Quelques mots encore pour Vous raconter de quelle façon
est formé le procès-verbal de l'audience. L'art.
130 c.p.c. it. stipule que le procès-verbal est rédigé
par le greffe sous la direction du juge, mais, pour le manque
de greffes et de secrétaires, ce sont les avocats qui écrivent
celui-ci sous la dictée du juge (78). Dans plusieurs juridictions
de mon pays (79) on suit désormais l'usage de faire interroger
les témoins directement par les avocats hors du bureau
du magistrat, ou dans un coin d'une salle où celui-ci est
en effet présent, mais où plusieurs audiences se
déroulent au même temps. Le témoin n'est porté
devant le juge qu'au moment de lire la fameuse déclaration
et de signer le procès-verbal. Personnellement je me suis
toujours refusé de suivre cette pratique honteuse, et je
dois aussi dire qu'au Palais de Turin - autant que je sache -
ça ne se produit pas. Je me sens pourtant obligé
de tirer mon chapeau devant cette preuve de fantaisie des collègues
qui ont inventé l' "audience virtuelle" avant
même l'introduction des moyens de l'informatique !
Aucun remède à cette lamentable situation n'est
à l'étude du gouvernement, qui s'est pourtant montré
très prompt à recueillir les suggestions des avocats
concernant d'autres domaines, tels que la responsabilité
disciplinaire et la carrière des magistrats... (80). Je me
bornerai ici à rappeler qu'aux termes d'une recommandation
du Conseil de l'Europe "L'utilisation de moyens techniques
modernes, par exemple le téléphone ou les systèmes
audiovisuels, dans des conditions appropriées, devrait
être prévue pour faciliter les témoignages" (81)
et, plus en général, que "Les moyens techniques
les plus modernes devraient être mis à la disposition
des autorités judiciaires afin de leur permettre de rendre
la justice dans les meilleures conditions d'efficacité" (82),
ce qui d'ailleurs est prévu (enregistrement sonore, visuel
ou audiovisuel de tout ou partie des opérations d'instruction)
par l'art.174 nouv. C. pr. civ. fr. (83).
7. En guise de conclusion.
Puisque mon rapport est destiné à un colloque de
droit comparé, j'aimerais résumer en conclusion
quelles sont les ressemblances et les différences les plus
remarquables dans l'administration judiciaire de la preuve civile
des systèmes en vigueur des deux côtés des
Alpes.
Les points de contacts les plus évidents se trouvent, à
mon avis, dans la théorie des preuves : on peut penser
aux articles du code civil et du code de procédure civile
italiens tirés de la législation napoléonienne,
à sa fois inspirée de la "grande ordonnance"
de 1667 (84). Il s'agit donc ici des règles générales
définissant les différentes preuves et mesures d'instruction,
leurs objets et leurs limites. Qu'est-ce que la preuve des éléments
de fait dans le procès civil : voila le terrain sur lequel
Français et Italiens peuvent bien s'entendre.
Nos deux systèmes, par contre, se séparent là
où il s'agit de définir, dans l'administration judiciaire
de la preuve, les différents rôles des protagonistes
du procès et notamment celui du juge. Bien que je n'aie
aucune expérience pratique de la procédure civile
française, celle-ci me paraît caractérisée,
par rapport à celle italienne, par deux traits fondamentaux.
En premier lieu par un degré bien plus remarquable de "souplesse"
; deuxièmement par une formidable injection, passez-moi
les mots, d' "interventionnisme judiciaire", voire par
des pouvoirs d'office bien plus étendus que ceux dont les
juges italiens disposent.
"Souplesse", d'abord, en ce qui concerne la technique
des procédures employées afin de rechercher la vérité.
Voici quelques exemples. Le premier concerne ce que j'appelle
la preuve la plus inutile du monde, c'est-à-dire l'interrogatoire
des parties sur faits et articles. Or, sur ce moyen d'instruction,
abandonné en France depuis 1942 (85), les avocats italiens
nous obligent à perdre encore une considérable partie
de notre temps, sans qu'il y ait aucune possibilité légale
de s'opposer à ce véritable gaspillage d'activité
processuelle (86).
Le deuxième cas que je voudrais citer concerne la preuve
testimoniale, où le juge français, contrairement
à son collègue italien, n'est absolument pas cloué
aux articles proposés par les parties. Par conséquent
il ne se trouvera jamais dans la situation de refuser une enquête
demandée par une partie qui a peut-être raison sur
le fond, mais dont l'avocat n'a pas su énoncer de façon
correcte les faits pertinents à prouver. En plus le juge
français a le pouvoir d'entendre ou d'interroger les témoins
sur tous faits dont la preuve est admise par la loi, alors même
que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision
prescrivant l'enquête (art. 213, nouv. C. pr. civ. fr.),
tandis que son homologue italien ne peut poser d'office que les
questions nécessaires afin d'éclaircir les faits
qui forment objets des articles de preuve formulés par
les parties.
D'ailleurs, pour rester dans la matière de la preuve par
témoins, on sait qu'en France celle-ci est pratiquement
en train de disparaître, remplacée par les attestations
écrites prévues par les art. 200 et s. nouv. C.
pr. civ. fr. (87). Voici une autre belle démonstration de
la "souplesse française" face à la "rigidité"
de la procédure de mon pays, où, tout au contraire,
ce genre de document est carrément banni du procès,
en tant que "preuve atypique" (88), et les quelques essais
des praticiens de l'introduire ont suscité des réactions
très sévères à l'intérieur
même du corps judiciaire (89).
Comme troisième exemple on pourra enfin ajouter qu'en France
une mesure d'instruction peut être ordonnée "en
tout état de cause" (art. 144 c.p.c. fr.) (90), lorsqu'en
Italie cela ne peut se faire qu'avec le respect de délais
de forclusions assez rigides (91). Si l'on pense donc à tout
ce qu'on vient de remarquer on pourra vraiment concorder avec
ceux qui affirment qu'en France, spécialement avec le nouveau
code de procédure, le législateur "a essayé
d'aménager une gamme plus souple et plus complète
de procédures, afin de permettre d'atteindre la vérité
objective par la voie la plus rapide et la moins onéreuse
possible" (92).
Cela a conduit aussi - on revient donc au deuxième point
que je voudrais souligner - à doter le juge de pouvoirs
plus amples pour ordonner d'office, modifier, interrompre, compléter
une mesure d'instruction. Cet "interventionnisme judiciaire"
n'est que l'aboutissement d'un chemin commencé il y a soixante
ans avec le décret du 30 octobre 1935, confiant au juge
le pouvoir d'ordonner d'office certaines mesures d'instruction (93),
et qui s'est achevé en 1973 par le nouveau code de procédure
civile. Ce dernier, de façon tout à fait générale,
rappelle à plusieurs reprises le pouvoir du juge d'"ordonner,
même d'office, toute mesure d'instruction" (art. 10,
143 et 771) (94).
D'autres dispositions de ce même code étendent davantage
ce pouvoir en stipulant que le juge "peut conjuguer plusieurs
mesures d'instruction. Il peut, à tout moment et même
en cours d'exécution, décider de joindre toute autre
mesure nécessaire à celles qui ont déjà
été ordonnées" (art. 148) et que "le
juge peut à tout moment accroître ou restreindre
l'étendue des mesures prescrites" (art. 149). La jurisprudence,
de son côté, a donné un bon coup de main,
en décrétant, par exemple, qu'en ce qui concerne
les mesures d'instruction en vue de conserver ou d'établir
avant tout procès la preuve de faits (art. 145) les dispositions
de l'art. 146, al. 2, visant l'interdiction de suppléer
la carence des parties ne sont pas applicables (95).
A tout cela il faudra encore ajouter que les pouvoirs du juge
de la mise en état semblent destinés à s'accroître
: on pourra ici mentionner le fait que le celèbre "rapport
Coulon (96)" vient de recommander, entre autres, l'introduction
d'une instruction plus dynamique de la procédure devant
le T.G.I. avec renforcement des pouvoirs du juge de la mise en
état, qui pourra statuer sur l'ensemble des exceptions
de procédure (97).
Cette perspective d'un juge plus "interventionniste"
semble être aussi envisagée au niveau supranational.
Ainsi, le Principe 3 de l'Annexe à la Recommandation n°
R (84) 5 adoptée par le Comité des Ministres du
Conseil de l'Europe le 28 février 1984 (Principes de
procédure civile propres à améliorer le fonctionnement
de la justice), établit que "Le juge devrait,
au moins lors de l'audience préliminaire, mais si possible
à tous les stades de la procédure, jouer un rôle
actif afin d'assurer, dans le respect des droits des parties et
du principe de leur égalité, un déroulement
rapide des procédures. Notamment, il devrait avoir, d'office,
les pouvoirs de demander aux parties toutes clarifications utiles,
de les faire comparaître personnellement, de soulever des
questions de droit, de rechercher les preuves au moins dans les
cas où le fond du litige n'est pas à la disposition
des parties, de diriger l'administration des preuves, d'exclure
des témoins si leur déposition éventuelle
manque de pertinence par rapport à l'affaire, de limiter
le nombre, s'il est excessif, des témoins appelés
à déposer sur les mêmes faits. Ces pouvoirs
devraient être exercés sans pour autant déborder
l'objet de l'action".
Le chemin emprunté par le législateur italien se
dirige, comme on vient de le voir, vers une direction tout à
fait opposée. Je m'abstiendrai ici de porter une appréciation
sur cette évolution, qui d'ailleurs est influencée
en Italie par la nécessité d'abréger la durée
scandaleuse de nos procédures. Je me bornerai seulement
à remarquer que plus importants sont les pouvoirs du juge,
plus haut doit être le niveau de son professionnalisme et
que dans cette matière beaucoup reste à faire.
L'administration judiciaire de la preuve est peut-être la
partie de la procédure civile la moins étudiée
dans les universités italiennes, surtout en ce qui concerne
ses aspects techniques. L'absence d'une école de la magistrature,
d'ailleurs, nous a jusqu'à maintenant empêché
d'élaborer sur le plan didactique des stratégies
d'apprentissage de la gestion concrète des mesures d'instruction
comparables à celles qu'on transmet aux auditeurs français
au cours de leur "scolarité bordelaise" (98), où,
comme j'ai pu personnellement constater, les jeunes collègues
découvrent avant même le début de la profession
de magistrat ce qu'en Italie on apprend souvent aux frais du justiciable.
La perspective de création en Italie d'une école
de la magistrature sur le modèle de l'E.N.M. (99) nous incite
donc a être moins pessimistes sur cet aspect du problème
de l'administration judiciaire de la preuve.