A. Après divorce
1.a) Est-ce que votre système prévoit
la possibilité d'une garde conjointe des enfants ou bien, la garde
doit-elle être confiée à l'un des parents?
Le divorce a été introduit en Italie par la loi du 1er
décembre 1970, n° 898, qui ne prévoyait aucune possibilité
de garde conjointe des enfants. Ladite loi a été modifiée
en 1987 (loi du 6 mars 1987, n° 74), quand on a permis au juge de confier
la garde aux deux parents que ce soit de façon conjointe ou alternée,
s'il estime que cela soit utile pour les mineurs, compte tenu de leur âge
(art. 6, alinéa 2, loi n° 898/70, modifié par l'art.
11, loi n° 74/87).
b) Est-ce que la garde peut être confiée
à une tierce personne?
L'art. 6, alinéa 8, de la loi n° 898/70, modifié
par l'art. 11, loi n° 74/87, prévoit, en cas d'impossibilité
temporaire de confier la garde des enfants à l'un des deux parents,
que le tribunal puisse faire recours à l'institut du "placement
familial" (prévu par l'art. 2, loi du 4 mai 1983, n° 184), qui
peut avoir lieu en faveur d'une autre famille ou même de célibataires
ou de communautés familiales.
2.a) Quels éléments le juge prend-il
en considération dans l'attribution de la garde? L'intérêt
des enfants? Une préférence pour l'un des parents?
Le seul et unique élément que le juge doit prendre en
considération dans l'attribution de la garde est "l'intérêt
moral et materiel des enfants" (art. 6, alinéa 2 cit.), sans aucune
préférence pour l'un ou l'autre des parents.
b) Quel est l'effet d'une convention entre les
parties?
Comme il s'agit de droits irrévocables, aucune convention entre
les parties ne saurait produire d'effet quelconque. Pourtant, l'art. 8
de la loi n° 74/87, en modifiant l'art. 4 (alinéa 13) de la
loi n° 898/70, a prévu une toute nouvelle procédure quand
les parties sont d'accord sur les conditions qui doivent régler
leur divorce (y compris la garde des enfants). Dans ce cas, les époux
présentent au tribunal un recours conjoint, qui est examiné
en chambre de conseil. Si le tribunal juge que les condition prévues
pour les enfants sont dans leur intérêt, il prononce un arrêt
conformément à la convention. Dans le cas contraire,
le tribunal obligera les parties à suivre la procédure normale
de divorce, aboutissant à une décision prise, le cas échéant,
contre la volonté des parents.
c) L'enfant est-il entendu par le juge? Lorsqu'une
telle audition a lieu, dans quelle mesure l'avis de l'enfant sera-t-il
pris en considération?
Aucune disposition légale n'oblige le juge à entendre
les enfants. Les articles 4, alinéa 8 et 6, alinéa
9, de la loi n° 898/70 prévoyent la possibilité d'une
audition des mineurs "lorsque cela est absolument nécessaire, compte
tenu aussi de leur âge". La décision est donc soumise au juge.
Lorsqu'une telle audition a lieu le juge peut toujuors l'apprécier
librement.
Il faudra cependant ajouter que la loi du 27 mai 1991, n° 176,
a ratifié et rendu executive en Italie la convention de New York
du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant dont l'art. 12, alinéa
2, donne "à l'enfant la possibilité d'être entendu
dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant,
soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant
ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les
règles de procédure de la législation nationale"
d) Le juge prendra-t-il l'avis d'un service publique
d'assistance?
Le juge a le pouvoir de prendre l'avis du service publique d'assistance
sociale qui est établi au niveau local (normalement dans chaque
municipalité d'Italie). Cela se produit généralement
lorsque les parents ne sont pas d'accord sur le problème de l'attribution
de la garde des enfants, ou bien chaque fois que le juge doute que la solution
proposée par les parents ne soit pas dans l'intérêt
des enfants. Dans ce cas le juge donne mission au service publique d'assistance
sociale d'effectuer une enquête sociale sur la situation matérielle
et morale dans laquelle se trouvent les enfants.
3. Est-ce que la décision judiciaire sur
la garde des enfants passée en force de chose jugée peut
être modifiée? Si tel est le cas, qui peut en demander la
modification et pour quels motifs?
La décision judiciaire sur la garde des enfants passée
en force de chose jugée peut être toujours modifiée
(on parle par rapport à cela d'arrêt "rebus sic stantibus")
pourvu que, après l'arrêt, surviennent des "motifs justifiés".
L'art. 9, alinéa 1 de la loi 898/70 prévoit que la modification
soit adoptée "sur la demande d'une partie". Cela signifie que chacun
des deux parents et aussi le ministère public (qui est une partie
nécéssaire du procés de divorce) puissent demander
la modification.
4.a) Quels sont les droits du parent investi
de la garde?
Au parent investi de la garde la loi attribue l'exercice exclusif de
l'autorité parentale, mais le Tribunal peut statuer différemment
(art. 6, alinéa 4, loi n° 898/70).
b) Quel droit de regard l'autre parent a-t-il
sur la résidence, l'éducation et la situation matérielle
etc.?
Les décisions les plus importantes pour les enfants sont prises
par les deux parents. Le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité
parentale a le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation
des mineurs. Il a aussi le droit de faire recours au juge quant il estime
que l'autre parent a pris des décisions préjudiciables pour
l'enfant.
5. Quelles dispositions légales sont applicables
en cas de garde conjointe?
La loi italienne permet au juge de confier la garde aux deux parents
de façon conjointe (v. A 1.a), mais elle ne prévoit aucune
disposition par rapport a cette situation. Les dispositions légales
applicables en cas de garde conjointe doivent être alors les mêmes
que celles qui règlent l'autorité parentale sur les enfants
des parents non divorcés (artt. 315 ss. cod. civ.). De toute façon
il s'agit d'une mesure très rare.
6. Quelles dispositions la loi prévoit-elle
pour assurer le droit de visite du parent non investi de la garde? Est-ce
que le droit de visite peut être limité ou même exclu?
La question est entièrement soumise à l'appreciation
de l'autorité judiciairie (art. 6, alinéa 3, loi n° 898/70).
Le droit de visite est limité ou exclu quand le juge estime que
l'exercice de ce droit puisse être préjudiciable à
l'enfant.
7. Est-ce que la décision judiciaire sur
le droit de visite passée en force de chose jugée peut être
modifiée? Si tel est le cas, qui peut en demander la modification
et pour quels motifs?
V. la réponse sub A 3.
8. Quelle juridiction est compétente en
matière de droit de garde et de visite (lorsqu'ils n'ont pas fait
l'objet d'un débat lors de la procédure de divorce)?
Le tribunal ordinaire qui prononce le divorce est toujours compétent
en matière de garde et de visite. La loi prévoit que la décision
à ce sujet doit nécessairement être contenue dans l'arrêt
qui prononce le divorce (art. 6, alinéa 2, loi n° 898/70). De
la même manière en cas de demande de modification des décisions
judiciaires sur la garde des enfants et sur les droits de visite la compétence
appartient toujours au Tribunal ordinaire et jamais au Tribunal des mineurs
(cf. Cass. Sez. Un., 2.3.1983, n° 1551).
9. a) Quelle juridiction est compétente
en matière de droit de garde et de visite lorsque les parents sont
de nationalité différente?
L'art. 4 du code de procédure civile italien prévoit
la juridiction du juge italien par rapport aux étrangers, entre
autre, quand le défendeur a sa résidence ou son domicile
en Italie, ou bien s'il a accepté la juridiction italienne, ou encore
s'il y a une situation de réciprocité.
Il suffit que dans un procés de divorce même une seule
de ces conditions soit remplie, pour estimer que le juge italien puisse
être compétent ainsi que pour les droits de garde et de visite.
b) Quelle est la loi applicable?
L'art. 20 des dispositions préliminaires au code civil prévoyait
que les rapports entre parents et enfants soient réglés par
la loi nationale du père (ou bien par la loi nationale de la mère,
au cas où le rapport de filiation naturelle aurait été
établi ou reconnu seulement par rapport à celle-ci). Cet
article a été abrogé par l'arrêt de la Court
constitutionnelle 10.12.1987, n° 477. Par conséquent la plus
grande incertitude règne quant à l'interprétation.
Selon certains juristes il serait nécessaire d'appliquer la loi
du lieu de résidence commune des parents, par analogie avec l'art.
29 disp. prel. cod. civ. (en matière d'apatrides). Selon d'autres,
il faudrait appliquer les seules dispositions communes des deux lois nationales.
Selon d'autres encore, le juge italien devrait appliquer la loi italienne
("lex fori").
10. Quelles difficultés particulières
se posent lorsque les parents sont de nationalité différente?
La principale difficulté concerne la possibilité que
le parent étranger qui a la garde de l'enfant ou même le droit
de visite puisse en profiter pour emmener à l'étranger l'enfant
et empêcher pratiquement à l'autre de le voir. Un autre problème
se pose par rapport à l'execution à l'etranger des mesures
judiciaires qui condamnent l'un des deux parents à effectuer des
contributions mensuelles en argent. Dans ce cas il faudra appliquer la
Convention Internationale de la Haye du 2 octobre 1973 relative aux droits
alimentaires.
11. Comment une décision judiciaire relative
à la garde ou au droit de visite peut-elle être exécutée
lorsque les parents ne sont pas d'accord?
La matière n'est réglée par aucune disposition
spécifique. Selon la Court de cassation (arrêt n° 5374
du 7.10.1980) il faut appliquer les artt. 612 ss. du code de procédure
civile en matière de l'execution de l'obligation de faire ou de
ne pas faire. Ce sera alors le juge de première instance ("pretore")
du lieu de résidence du mineur qui devra spécifier les modalités
d'execution par huissier.
12. Quelles règles sont prévues
par votre système légal au sujet des aliments pour les enfants
après le divorce des parents?
Suivant l'art. 6, alinéa 3, loi 898/70, le Tribunal doit établir
"la manière et la façon" par lesquelles le parent qui n'a
pas la garde des enfants doit contribuer à leur entretien et à
leur education. Normalement il est obligé de verser chaque mois
une somme d'argent au parent qui a la garde de l'enfant.
B. Après la séparation de corps
Sous quels rapports les réponses aux questions
sub A 1-12 s'appliquent-elles après la séparation de corps
de parents mariés et sous quels rapports sont-elles différentes?
1.a)Le statut légal des enfants après la séparation
de leurs parents est réglé par l'art. 155 cod. civ., qui
ne prévoit rien au sujet de la garde conjointe, tout en mentionnant
que le juge déclare lequel des deux parents aura la garde des enfants.
Néanmoins on peut penser à une extension analogique de l'art.
6, alinéa 2, cité en matière de divorce (cf. Cass.,
4.5.1991, n° 4936).
1.b)Oui, s'il y a des motifs graves (art. 155, alinéa 6, cod.
civ.).
2.a)Le seul et unique élément que le juge doit prendre
en considération dans l'attribution de la garde est "l'intérêt
moral et materiel des enfants" (art. 155, alinéa 1, cod. civ.),
sans aucune préférence pour l'un ou l'autre des parents.
2.b)L'art. 158 du cod. civ. prévoit que la séparation
par accord réciproque soit homologuée par le Tribunal, lequel
peut refuser l'homologation, quand il estime que l'accord ne soit pas de
l'intérêt des mineurs.
Les réponses aux questions sub A 2.c)-12. s'appliquent toutes après la séparation de corps sans aucune différence.
D. Après la séparation de parents non mariés ayant cohabités
Quelles dispositions votre systéme légal prévoit-il
quant aux points de 1-12, en cas de séparation de parents non mariés
ayant cohabités?
Dans ce cas là il s'agit evidemment d'enfants naturels. L'art.
317-bis cod. civ. prévoit seulement que si les parents ont tous
les deux reconnu l'enfant et si tous les trois cohabitent les règles
relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur les enfants
légitimes s'appliquent alors. En cas de séparation c'est
au Tribunal des mineurs d'établir lequel des parents aura la garde
de l'enfant et donc l'exercice de l'autorité parentale. L'autre
parent a seulement le droit de veiller sur l'éducation, l'instruction
et les conditions de vie de l'enfant.
Malheureusement la loi n'habilite pas le Tribunal des mineurs pour
imposer une contribution alimentaire au parent qui n'a pas la garde de
l'enfant. Le parent ayant la garde de l'enfant peut porter plainte contre
l'autre devant le Tribunal ordinaire pour obtenir une contribution alimentaire.
Il faut encore faire mention d'un arrêt de la Court constitutionnelle
(7.4.1988, n° 404), qui, en cas de rupture du concubinage, a établi
le droit pour le cohabitant qui a la garde des enfants de succéder
dans le contrat de bail locatif de la maison dans laquelle la "famille
de fait" habitait avant la séparation, exactement comme dans le
cas de la séparation des époux (art. 6, loi du 27 juillet
1978, n. 392).
Dr. Giacomo OBERTO
Juge au Tribunal de Turin