UNION INTERNATIONALE DES MAGISTRATS
50ème REUNION ANNUELLE
TRONDHEIM
(NORVEGE), 23-27 SEPTEMBRE 2007
2ème
COMMISSION D’ETUDE
Rapport
italien sur le thème :
SANCTIONS DANS
LE CAS D’INACTION DES PARTIES DANS LES
AFFAIRES CIVILES
Réponses
au questionnaire
——————
I.
1. Existe-il dans votre système
juridique des règles régissant la procédure avant et pendant le procès
qui imposent des délais définitifs aux parties
pour : a) modifier ou amplifier leurs prétentions et moyens de
preuve ; b) recourir à d’autres moyens procéduraux? |
« L’avocat, en matière
civile – disait un célèbre juriste de mon pays, Piero Calamandrei – doit être
le juge d’instruction de ses clients : plus consistant est le nombre des
ordonnances de non-lieu rendues dans son cabinet, plus il est efficace» [1]. Mais, une fois que la voie du procès a
été empruntée, l’avocat est appelé à y jouer un rôle de protagoniste. Il s’agit
d’une tâche très délicate, compte tenu du principe de l’instance qui gouverne
le procès civil. Aux termes de l’art. 99 du Code de procédure civile italien [2], celui qui veut faire valoir ses droits
en justice doit en faire instance au juge compétent. Il s’agit d’une règle
étroitement liée au principe d’égalité des parties et de l’impartialité du juge
qui, pour rester super partes, doit
se borner à rendre justice à ceux qui la lui demandent (ne procedat judex ex officio) [3].
A cette règle de base se
rattache aussi le principe dispositif, qu’en Italie est entendu d’une façon
bien plus étendue que, par exemple, de l’autre côté des Alpes. Tandis qu’en
France le nouveau code de procédure civile a réduit ce principe à l’allégation
des faits, tout en exaltant l’office du juge (qui est aujourd’hui le véritable
«maître de la preuve», eu égard aux pouvoirs d’office dont il dispose en
matière de mesures d’instruction [4]), en Italie celui-ci ne peut pas
ordonner d’office des mesures d’instruction qui ne lui soient pas demandées par
les parties [5], ni peut-il suppléer la carence de ces
dernières dans l’administration de la preuve [6] : iudex
iudicare debet juxta alligata et probata partium (le juge doit trancher
l’affaire selon ce que les parties ont allégué et prouvé). Les parties, de leur
côté, doivent non seulement alléguer, mais aussi prouver les faits propres à
fonder leurs prétentions ou leurs exceptions, conformément à leur position
(demandeur ou défendeur) dans l’affaire : onus
probandi incumbit ei qui dicit [7].
On pourrait se demander
si une telle étendue du principe dispositif est conforme à la Constitution de
mon pays ; autrement dit : existe-t-il un « droit à la preuve » et quels sont
ses limites dans la loi fondamentale ? On a essayé [8]
de fonder ce droit sur l’art. 24 de la Constitution italienne, qui assure à
toute personne le droit d’agir en justice, c’est-à-dire le droit, pour l’auteur
d’une prétention, d’être entendu par un juge sur le fond de celle-ci [9]. Mais on a exactement objecté à cette
thèse que, si les parties d’un procès pouvaient invoquer un droit
constitutionnel à la preuve de la même ampleur du droit à l’action en justice,
il en dériverait l’illégitimité de toutes les dispositions du code de procédure
qui confient au juge des pouvoirs discrétionnaires. Ainsi le juge ne pourrait
plus, par exemple, employer l’art. 245, al. 1er , du Code de
procédure civile italien pour réduire les listes des témoins lorsqu’elles sont
surabondantes, ni pourrait-il refuser d’ordonner l’exécution d’une mesure
d’instruction laissée par le code à sa discrétion (on peut penser ici à
l’expertise) lorsqu’une partie en ferait demande. Le résultat serait donc celui
d’entraver gravement le cours des procès civils [10].
D’ailleurs la Cour de cassation italienne a déjà décidé qu’une objective
difficulté de prouver des faits ne peut pas soulever la partie concernée de la
charge de la preuve qui lui incombe [11].
La conclusion est donc la suivante : il n’existe un droit à la preuve que dans
le cadre des dispositions concernant les pouvoirs des parties et du juge dans
l’instruction de l’affaire [12].
Le rôle de l’avocat,
déjà crucial pour les raisons qu’on vient d’illustrer, est récemment devenu
encore plus délicat du moment que dans ce domaine la législation italienne
semble suivre une évolution tout à fait opposée par rapport à celle du nouveau
code de procédure civile français. En effet le 1er mai 1995 est
entrée en vigueur en Italie une importante reforme du code de procédure civile,
approuvée par le Parlement en 1990 (loi n° 353 du 26 novembre 1990), qui a
introduit un système assez rigoureux de forclusions, touchant aussi aux moyens
d’instruction. Il faut savoir tout d’abord qu’avant cette loi [13] les parties du procès pouvaient à tout
moment (et jusqu’à ce que le juge de la mise en état n’avait pas clôturé
l’instruction) modifier leurs demandes, exceptions et conclusions [14], produire des pièces nouvelles, ou
demander au juge d’ordonner des mesures d’instruction (par exemple : entendre
des témoins sur des faits dont la partie prétendait rapporter la preuve). Cette
règle permettait une formation, pour ainsi dire, stratifiée du dossier, où les
matériaux probatoires s’entassaient de façon désordonnée au cours de périodes
d’une durée presque biblique. Par contre, les nouveaux art. 163, 166, 167, 180,
183, 184 et 184-bis du Code de
procédure civile italien prévoient, pour les procès commencés après le 1er
mai 1995, un système de forclusions assez strict en ce qui concerne les délais
dans lesquels les parties peuvent et doivent alléguer des faits, avancer leurs
demandes, soulever leurs exceptions, présenter des demandes reconventionnelles,
modifier leurs conclusions, offrir les éléments de preuve et demander au juge
de la mise en état qu’une ou plusieurs mesures d’instruction soient ordonnées [15].
En ce qui concerne en
particulier l’indication des éléments de preuve cela doit se faire soit dans
les actes introductifs du litige (assignation pour le demandeur et constitution
d’avocat pour le défendeur), soit au cours d’une des premières audiences
(normalement la première), soit encore, au plus tard, dans un délai fixé par le
juge, comme on le verra tout de suite. Il ne relève pas de ma compétence d’exprimer dans ce lieu
une appréciation sur le système italien des forclusions ; ici je me borne à
constater que, malgré une très forte opposition par le barreau de mon pays (ce
qui explique cette vacatio legis presque
quinquennale), la doctrine et la jurisprudence lui ont réservé un accueil
favorable [16]. De surcroît, on pourrait encore
ajouter que ce même principe paraît conforme aux recommandations de la
législation supranationale [17].
La doctrine italienne
tend aujourd’hui justement à considérer ce système de forclusions comme
relevant du droit public, tandis qu’auparavant la jurisprudence de la Cour de
cassation faisait dépendre des exceptions des parties concernées l’application
des forclusions prévues dans l’ancien système. Maintenant c’est donc au juge de
s’apercevoir et de relever, même d’office, que telle ou telle autre mesure
d’instruction ne peut pas être ordonnée puisqu’un délai péremptoire n’a pas été
respecté par la partie qui la demande, même lorsque l’autre partie n’a rien à
objecter, soit par ignorance, soit par collusion [18].
Pour ce qui est des
dernières évolutions législatives, il faut ajouter qu’après les réformes
introduites au cours des années 90 de l’autre siècle, dont on vient de faire
état, le législateur italien a approuvé le décret 14 mars 2005, n. 35, converti
en loi n° 80 du 14 mai 2005. Cette nouvelle réforme a ultérieurement modifié
l’art. 183 du Code de procédure civile, en statuant qu’à la première audience
devant le juge chargé de la mise en état du dossier le demandeur peut avancer
les demandes et les exceptions qui sont la conséquence de l’éventuelle demande
reconventionnelle ou des exceptions soulevées par le défendeur. Le demandeur
peut aussi demander d’être autorisé à appeler un tiers dans le procès, si cette
exigence dérive des moyens de défense contenu dans la constitution d’avocat du
défendeur. Les deux parties peuvent aussi préciser leurs prétentions,
exceptions, ainsi que leurs conclusions déjà présentées.
Les parties peuvent aussi
demander au juge de leur concéder les délais suivants à caractère
péremptoire :
a)
un délai de trente jours pour déposer des
mémoires limités à la seule précision ou modification de demandes, exceptions
et des conclusions déjà présentées ;
b)
un autre délai de trente jours pour répliquer
aux demandes, aux exceptions nouvelles ou modifiées par la contrepartie, ainsi
que pour présenter les exceptions qui sont la conséquence de ces demandes et de
ces exceptions mêmes, et pour proposer les moyens de preuve et les pièces à
déposer au dossier ;
c)
un délai de vingt jours pour proposer la preuve
contraire.
Des règles particulières
existent dans le procès spécial prévu pour les affaires en matière de droit des
sociétés (cf. le décret du Président de la République n° 5 du 17 janvier 2003,
articles 4, 11, 12 et 16), ainsi que pour les procès en matière de litiges de
travail (cf. les articles 414, 415, 420 et 421 du Code de procédure civile).
2.
Le procès compte-t-il plusieurs audiences au cours desquelles les preuves
sont administrées ou votre système juridique limite-il le procès à un certain
nombre d’audiences, par exemple « au plus deux audiences »? |
Aux termes de
l’article 183, alinéa 7, du Code de procédure civile, le juge chargé de la mise
en état du dossier doit décider sur les requêtes des parties visant à obtenir
l’admission des moyens de preuve. S’il estime que l’affaire doit être mise en
état par le biais des moyens de preuve proposés par le parties, ou bien
seulement par quelques-uns de ces moyens, ou encore par des mesures qu’il
pourrait ordonner ex officio (p. ex.:
une expertise, ou une descente sur les lieux), il émet une ordonnance fixant le
jour pour l’exécution des mesures d’instruction. L’art. 184 du Code de
procédure civile, sous la rubrique « audience pour l’exécution des preuves » se
réfère, justement, à une et à une seule audience. Il est pourtant clair que le
juge, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’art. 175 du Code de
procédure civile, peut « fixer les audiences successives » ; il peut aussi «
exercer tous les pouvoirs visant à un déroulement rapide et loyal de la
procédure ».
Venant à illustrer quelques aspects pratiques
de l’exécution des mesures d’instruction en Italie, il faudra dire que la façon d’exécuter les mesures d’instruction constitue à mon avis un des
aspects les plus négatifs de l’administration de la justice dans mon pays.
J’entends surtout me référer ici aux audiences consacrées à la comparution des
parties et à l’audition des témoins, qui se déroulent d’une manière honteuse.
Il faut d’abord dire que ces mesures d’instruction ne peuvent pas être
exécutées dans une salle d’audience, puisque
normalement la seule salle d’audience que les palais de justice
consacrent au civil est réservée aux
débats. D’ailleurs, comme chaque juge de la mise en état consacre aux
mesures d’instruction au moins trois demi-journées par semaine, il en suit que
le Palais d’une moyenne ou d’une grande ville d’Italie devrait disposer aux
moins de vingt ou trente salles d’audience à destiner à l’activité d’exécution
des mesures d’instruction.
Par conséquent, en Italie les juges chargés de l’instruction des affaires
civiles tiennent les audiences dans leurs propres bureaux. Si l’on pense que
pas mal de fois ces locaux sont partagés avec d’autres collègues et qu’il
s’agit très souvent (l’Italie étant une terre de saints...) de cellules
d’anciens couvents, on peut bien se rendre compte des conditions matérielles
dans lesquelles on essaye de rendre justice. Forcément entassés dans des niches
mortuaires, juge, avocats, parties, témoins, se trouvent ainsi tous autour
d’une petite table, tous au même niveau, dans une situation – comme j’aime dire
– de « contigüité charnelle », qui ferait penser plutôt à une conversation de
bistrot qu’à la célébration d’un procès. Ce je souhaite ce n’est pas, bien
entendu, l’introduction de perruques ou de fourrures à la façon d’outre-manche
; je me borne ici à plaider pour l’adoption d’un décorum (et d’un décor !) qui
rappelle à tout le monde qu’au Palais on se trouve pas pour faire de la
conversation. L’introduction d’un peu plus de solennités et de formalités
pourrait contribuer, à mon avis, à empêcher les témoins (très souvent liés aux
parties par des rapports d’amitié, inimitié, parenté, intérêt) de mentir ou au
moins de «glisser» sur les questions les plus épineuses. Cela pourrait
peut-être aussi empêcher les avocats et les parties d’intervenir à tout moment
pendant l’audition et de répondre à la place des témoins, ce qu’ils ont de plus
en plus l’habitude de faire, en protestant vigoureusement si le juge a
l’impudence (d’essayer) de s’opposer à cette pratique [19]
!
Cette situation lamentable est aggravée par ce que j’aime définir comme un
véritable manque de vertu civique chez beaucoup de mes compatriotes. Je
pourrais citer ici le cas, pas du tout exceptionnel, du témoin qui m’avait fait
savoir de ne pas pouvoir se présenter à l’audience à cause d’« engagements bien
plus importants liés à l’activité de mon entreprise ». En effet, si on pense au
fait que le témoin défaillant n’encourt pratiquement aucune conséquence [20], cela ne doit pas étonner que les
audiences consacrées aux enquêtes soient à maintes reprises reportées.
D’ailleurs, pour revenir au sujet de la crédibilité de la preuve
testimoniale, il faut tenir compte du fait que depuis 1989 le juge n’a plus
aucun pouvoir d’ordonner l’arrestation d’un faux témoin, mais qu’il doit se
limiter à le dénoncer au parquet, qui éventuellement pourra déclencher contre
celui-ci une poursuite pénale. Ce procès, évidemment, pourra parvenir jusqu’à la Cour de cassation,
bien entendu à condition qu’entre-temps le délit ne soit pas tombé en
prescription, ce qui arrive en effet très souvent. Et si l’on pense aussi aux
différentes possibilités d’amnisties, remises de peine, procédures
alternatives, sursis, peines alternatives à l’emprisonnement, etc. aménagées par la législation pénale, il
y a vraiment très peu de chances qu’un faux témoin puisse enfin franchir les
portes d’une prison.
Pour rester encore sur le sujet de la crédibilité de l’enquête on pourra
rappeler qu’après une décision de la Cour constitutionnelle italienne [21] les témoins ne prêtent plus serment.
Ils se limitent, par contre, à lire une déclaration que le juge leur soumet ;
une déclaration, d’ailleurs, qu’au citoyen dépourvu d’une moyenne culture
juridique apparaît surement moins compréhensible que la formule d’un serment [22]. En effet il m’est arrivé plusieurs
fois, après avoir informé les témoins des peines encourues s’ils se rendraient
coupables d’un faux témoignage, de leur demander s’ils avaient compris le sens
de la déclaration qu’ils venaient de lire d’un air si effaré et j’ai dû
constater que bon nombre des personnes interrogées n’avaient aucune idée de la
signification de cette phrase. En plus – ce qui est pour moi encore plus
inexplicable – un nombre incroyablement élevé de témoins, au lieu de lire le
mot deposizione [déposition],
prononce le mot disposizione
[disposition], ce qui enlève tout sens à la formule. Il m’arrive aussi pas mal
de fois de constater qu’un témoin n’est pas du tout en état de lire, ou bien
qu’il se déclare carrément analphabète, avant même d’essayer toute lecture.
Dans ces cas-ci j’adopte la solution inventée par les prêtres qui veulent faire
prier les athées sur leur lit de mort ; c’est-à-dire que je prononce moi-même
la formule en la faisant répéter, morceau par morceau, par le témoin.
Quelques mots encore pour expliquer de quelle façon est formé le
procès-verbal de l’audience. L’art. 130 du Code de procédure civile italien
stipule que le procès-verbal est rédigé par le greffe sous la direction du
juge, mais, pour le manque de greffes et de secrétaires, ce sont les avocats
qui écrivent celui-ci sous la dictée du juge [23].
Dans plusieurs juridictions de mon pays [24]
on suit désormais l’usage de faire interroger les témoins directement par les
avocats hors du bureau du magistrat, ou dans un coin d’une salle où celui-ci
est en effet présent, mais où plusieurs audiences se déroulent au même temps.
Le témoin n’est porté devant le juge qu’au moment de lire la fameuse
déclaration et de signer le procès-verbal. Personnellement je me suis toujours
refusé de suivre cette pratique honteuse, et je dois aussi dire qu’au Palais de
Turin – autant que je sache – ça ne se produit pas. Je me sens pourtant obligé
de tirer mon chapeau devant cette preuve de fantaisie des collègues qui ont
inventé l’ « audience virtuelle » avant même l’introduction des moyens de
l’informatique !
Aucun remède à cette lamentable situation n’est à l’étude du gouvernement,
qui s’est pourtant montré très prompt à recueillir les suggestions des avocats
concernant d’autres domaines, tels que la responsabilité disciplinaire et la
carrière des magistrats... Je me bornerai ici à rappeler qu’aux termes d’une
recommandation du Conseil de l’Europe « L’utilisation de moyens techniques
modernes, par exemple le téléphone ou les systèmes audiovisuels, dans des
conditions appropriées, devrait être prévue pour faciliter les témoignages » [25] et, plus en général, que « Les moyens
techniques les plus modernes devraient être mis à la disposition des autorités
judiciaires afin de leur permettre de rendre la justice dans les meilleures
conditions d’efficacité » [26], ce qui d’ailleurs est prévu
(enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel de tout ou partie des opérations
d’instruction), par exemple, par l’art.174 du nouveau Code de procédure civil
français [27].
3a.
Quelles sanctions peuvent être prises
contre une partie lorsqu’elle n’a pas accompli un acte de procédure dans des
délais fixés par la loi ou le juge? |
Les délais fixés par l’art. 183 du Code de procédure civile sont des délais
péremptoires. Cela signifie que la partie qui ne les respecte pas encourt une
déchéance. Elle ne pourra donc plus proposer les demandes, les exceptions et
les moyens de preuve qu’elle aurait désiré introduire dans le procès. Il ne
faut cependant pas oublier qu’il y a un certain nombre d’exceptions qui peuvent
aussi être soulevées ex officio.
Ainsi, p. ex., à certaines conditions, si le juge s’aperçoit qu’un contrat dont
l’application lui est demandée est frappé de nullité, il doit le déclarer nul,
même si la partie intéressée a soulevé tardivement cette exception (ou si elle
ne l’a pas soulevée du tout). Il en est de même pour plusieurs exceptions à
caractère procédural (p. ex. lorsqu’une affaire relevant de la juridiction
administrative est proposée pardevant la juridiction judiciaire, ou vice versa). En plus il faut ajouter que
les simples « défenses » peuvent être proposées sans respecter aucun délai.
Ainsi, si je suis défendeur dans un procès et le demandeur prétend de résilier
un contrat sur la base de l’application de la théorie allemande du Wegfall der Geschëftsgrundlage (dite
aussi, en Italie, « théorie de la présupposition ») je pourrai dans n’importe
quel moment du procès m’opposer à sa demande en faisant remarquer que, selon
l’avis d’une partie des juristes et de la jurisprudence, cette théorie ne peut
pas être reçue dans le système juridique italien. Donc, toute considération et
toute réflexions sur les normes pertinantes pour la solution du litiges, ainsi
que toute appréciations des faits formant l’objet de l’affaire, peut en
principe être faite à n’importe quel moment.
Pour ce qui est des délais fixés par le juge il faudra tenir compte de la
règle fondamentale dictée par l’art. 152 du Code de procédure civile, aux
termes duquel les délais péremptoires (dont la violation détermine une
déchéance) sont fixés exclusivement par la loi ; le juge pourra les fixer
exclusivement si la loi le permet. Ce lamentable principe, qui empêche de facto au juge italien d’accélérer les
procédures, témoigne de la méfiance du législateur italien vis-à-vis ces
propres magistrats.
3b.
Les sanctions similaires sont-elles prévues lorsqu’une partie utilise les
moyens et actes de la procédure dans le but principal et manifeste de la
retarder? |
L’art. 116 du Code de procédure civile permet au juge de tenir compte, au
moment de la décision, du comportement des parties, y compris des manœuvres dilatoires.
Personnellement j’ai fait quelques fois application de cette disposition, qui
pourtant, à mon avis, est très peu employée par les juges. Il faut ajouter
aussi que l’article 96 du même code permet au juge de condamner aux
dommages-intérêts la partie qui perd un procès après l’avoir initié (comme
demandeur) ou après y avoir résisté (comme défendeur) de mauvaise foi, ou étant
dans une situation de faute grave. Le problème principal de cette disposition
c’est qu’il est toujours difficile pour la partie gagnante au procès de prouver
le montant du préjugé subi à cause de la mauvaise foi ou de la faute de la
contrepartie.
4a.
Quelles sanctions peuvent être prises par un juge contre un témoin en cas d’absence non justifiée au procès? |
Le témoin défaillant encourt une amende civile entre 100 e 1.000 euros,
mais le problème est celui de l’exécution d’une telle condamnation. Le juge
peut ordonner à la force publique d’accompagner le témoin à l’audience
suivante.
4b.Existe-t-il
des sanctions appropriées si un expert nommé par le juge ne
communique pas son rapport ou tarde à le communiquer sans justification
valable? |
L’expert peut être révoqué par le juge, mais dans ce cas il faut, bien entendu,
en nommer un autre, fixer une nouvelle audience pour son serment et pour que le
juge lui confie la charge et lui assigne un nouveau délai pour qu’il dépose son
expertise.
5a.
Quelles sanctions disciplinaires peuvent être imposées à un avocat par des
organisations professionnelles lorsqu’il, en représentant la partie, utilise
les moyens et actes de la procédure dans le but principal et manifeste de
retarder la procédure? |
Aucune.
5b.
Le règlement concernant la fixation de
la rémunération des avocats veille-t-il à ce que les actes de procédure ne
soient superflus? Si oui, quelles sont les façons principales qui encouragent
les avocats de présenter leurs prétentions et leurs moyens de preuve aussitôt
que possible au début de la procédure? |
Toute au contraire, le règlement concernant
la fixation de la rémunération des avocats favorise et encourage
l’accomplissement d’actes de procédure inutiles et superflus. En Italie les
avocats sont payés de façon proportionnelle aux nombre d’audiences auxquelles
ils ont assistés et au nombre de mémoires qu’ils ont déposés au dossier. On
peut donc bien imaginer comment les avocats (dont le nombre général en Italie
s’approche désormais des 200.000 unités...) profitent de ce système pour
submerger la magistrature d’un véritable déluge d’actes, de mémoires et
d’audiences, dont la majeure partie est absolument inutile et répétitive.
L’association des magistrats italiens prône depuis longtemps (inutilement, du
moment que les avocats contrôlent désormais tout acte du Parlement) un système
tel que celui qui est en vigueur en Allemagne, selon lequel l’avocat touche une
somme correspondant à un certain pourcentage fixe de la valeur de l’affaire,
abstraction faite de l’activité qu’il ait pu accomplir dans l’affaire.
6.
Votre système juridique autorise-t-il les juges d’avoir pouvoirs en ce qui
concerne la « conduite formelle » de la procédure et d’avoir le contrôle du calendrier et da la durée de
la procédure (per exemple en fixant des dates définitives, en refusant toute
remise de la cause)? |
Le juge a théoriquement le contrôle de l’agenda de la procédure. En réalité
le système des renvois prévus par l’article 183 du Code de procédure civile et,
surtout, le nombre de requêtes, de demandes, des exceptions, des preuves
demandées (la plupart des fois inutiles) insérées dans les dossiers
alourdissent d’une façon intolérable les procédures, en les rendant parfois
ingérables. Si un juge courageux se refuse de suivre cette pratique, en
déclarant p. ex., les moyens de preuve superflus et surabondants, il trouvera
toujours un collègue « zélé » en appel, prêt à renverser le jugement... Il
faudrait donc œuvrer pour éliminer les abondantes traces de conformisme qui
résistent encore au sein de la magistrature même.
7.
Votre système juridique autorise-t-il les juges d’avoir pouvoir de contrôler
le fond de la procédure judiciaire civile, particulièrement en ce qui
concerne: -
les pouvoirs de demander
aux parties toutes clarifications utiles -
les pouvoirs de les faire
comparaître personnellement -
de soulever les questions
de droit -
de rechercher les preuves
au moins dans les cas où le fond du
litige n’est pas à la disposition des parties -
de diriger
l’administration des preuves -
d’exclure des témoins si
leur déposition éventuelle manque de pertinence par rapport à l’affaire |
La réponse est positive pratiquement à toutes les questions.
Le juge a surement le pouvoir de demander aux parties toute clarification utile,
ainsi que d’ordonner leur comparution personnelle (cf. les articles 116, 183 et
185 du Code de procédure civile). Pour ce qui est du pouvoir de soulever les
questions de droit il faut dire qu’il y a certaines questions qui ne peuvent
être soulevées que par les parties (p. ex. : l’exception de prescription,
certaines exceptions d’incompétence, etc.), mais en général toute question
relative à l’interprétation de la loi peut être soulevée par le juge, même ex officio. Au civil la plupart des
affaires relèvent de la disponibilité des parties. La preuve est donc remise
aux parties, qui doivent produire les pièces pertinantes et demander au juge
d’admettre les autres moyens de preuve (notamment l’enquête). Il a pourtant,
comme on vient de le dire, des cas où le juge a un pouvoir d’intervention (p.
ex. : il peut ordonner une expertise), même si le parties n’ont pas fait de
requêtes en ce sens. L’administration des preuves est toujours gérée et dirigée
par le juge. Le juge peut exclure toute enquête qui manque de pertinence par
rapport à l’affaire.
Cela dit, il ne faut pas penser que le juge italien soit pourvu de pouvoirs
tels à lui permettre de maitriser comme il faudrait le déroulement du procès.
Je voudrais porter quelques exemples tirés de la comparaison avec le système
français.
Le premier concerne ce que j’appelle depuis toujours la preuve la plus
inutile du monde, c’est-à-dire l’interrogatoire des parties sur faits et
articles. Or, sur ce moyen d’instruction,
abandonné en France depuis 1942, les avocats italiens nous obligent à
perdre encore une considérable partie de notre temps, sans qu’il y ait aucune
possibilité légale de s’opposer à ce véritable gaspillage d’activité
processuelle.
Le deuxième cas que je voudrais citer concerne la preuve testimoniale, où
le juge français, contrairement à son homologue italien, n’est absolument pas
cloué aux articles proposés par les parties. Par conséquent il ne se trouvera
jamais dans la situation de refuser une enquête demandée par une partie qui a
peut-être raison sur le fond, mais dont l’avocat n’a pas su énoncer de façon
correcte les faits pertinents à prouver. En plus le juge français a le pouvoir
d’entendre ou d’interroger les témoins sur tous faits dont la preuve est admise
par la loi, alors même que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision
prescrivant l’enquête (art. 213 du nouveau Code de procédure civile français),
tandis que son homologue italien ne peut poser d’office que les questions
nécessaires afin d’éclaircir les faits qui forment objets des articles de
preuve formulés par les parties.
D’ailleurs, pour rester dans la matière de la preuve par témoins, on sait
qu’en France celle-ci est pratiquement en train de disparaître, remplacée par
les attestations écrites prévues par les
art. 200 et s. du nouveau Code de procédure civile français [28]. Voici une autre belle démonstration de
la « souplesse française », face à la « rigidité » de la procédure de mon pays,
où, tout au contraire, ce genre de document est carrément banni du procès, en
tant que « preuve atypique », et les quelques essais des praticiens de
l’introduire ont suscité des réactions très sévères à l’intérieur même du corps
judiciaire [29], toujours prêt, comme on le sait bien,
à se faire du mal à lui-même...
Comme troisième exemple on pourra enfin ajouter qu’en France une mesure
d’instruction peut être ordonnée « en tout état de cause » (art. 144 du Code de
procédure civile français) [30], lorsqu’en Italie cela ne peut se faire
qu’avec le respect de délais de forclusions assez rigides. Si l’on pense donc à
tout ce qu’on vient de remarquer on pourra vraiment concorder avec ceux qui
affirment qu’en France, spécialement avec le nouveau code de procédure, le
législateur « a essayé d’aménager une gamme plus souple et plus complète de
procédures, afin de permettre d’atteindre la vérité objective par la voie la
plus rapide et la moins onéreuse possible » [31].
8.
Dans votre système judicaire les juges ont-ils le pouvoir de décider a) s’il convient
de suivre une procédure écrite ou orale b) dans quel cas il y a lieu de
recourir à une procédure simplifiée ou
questions sont-elles réglementées par la loi? |
La procédure civile italienne est essentiellement une procédure écrite,
bien que l’art. 180 du Code de procédure civile proclame que la mise en état de
l’affaire est orale. Cette règle est interprétée par les avocats comme un
principe les autorisant à répéter (inutilement) verbalement ce qu’ils ont déjà
mis par écrit... Notre système juridique connait plusieurs procédures
simplifiées, telles que p. ex. les procédures d’injonction de payer (cf. les
articles 633 et suivants du Code de procédure civile italien, mais dans ce cas
il faut qu’il y ait une épreuve écrite), les référés (cf. les article 669-bis et suivants du Code de procédure
civile italien), ou les procédures de la « juridiction gracieuse » (cf. les
articles 737 et suivants du Code de procédure civile italien). Il s’agit de
situations exceptionnelles, dans lesquelles pourtant les avocats arrivent
souvent à créer des complications plus importantes de celles qui peuvent se
créer au sein d’une procédure dite ordinaire.
9.
Existe-t-il des restrictions en ce qui concerne le droit des parties de présenter
en appel a) les prétentions nouvelles b) les questions de droit nouvelles? Si
oui, existe-t-il des exceptions à ce règlement? |
Aux termes de l’article 345 du Code de procédure
civil italien dans le procès d’appel les parties ne peuvent avancer aucune
demande nouvelle ; si des demandes nouvelles sont avancées, le juge doit les
déclarer inadmissibles d’office. Les parties peuvent seulement demander les
intérêts et les accessoires à compter du jour de la décision rendue en premier
degré, ainsi que les dommages-intérêts qui se sont produits après ce jugement
même. Il en est de même des exceptions (sauf celles que le juge peut relever
d’office). Aucun nouveau moyen de preuve n’est admis, sauf ceux que le juge
d’appel pense être indispensables pour la décision de l’affaire. Une partie
peut aussi demander l’admission des preuve qu’elle n’a pas pu proposer dans le
procès en premier degré, à cause d’un empêchement dont elle n’est pas
responsable. Le serment décisoire peut toujours être déféré.
II.
1.
Existe-t-il des propositions de réforme de la loi afin d’assurer l’efficacité
de la justice en imposant des
sanctions aux parties dans les cas de l’utilisation abusive de la procédure? |
Le 16 mars 2007 le gouvernement italien a approuvé un projet de loi,
ensuite présenté au Parlement, visant à rationaliser et à accélérer les
procédures civiles italiennes. Il s’agit d’un texte très complexe, qui contient
en effet des mesures qui pourraient en effet déterminer une accélération des
procédures. Je me réfère surtout au règles visant à rendre carrément plus
légère la motivation des jugements. Celle-ci est en effet une des raisons pour
lesquelles les procès civils sont si longs. Dans ce domaine il n’y a qu’une loi
qui pourrait changer une mentalité malheureusement très encrée dans la façon de
penser de beaucoup de collègues italiens, selon qui la motivation d’un
jugement, au lieu d’être, comme elle le devrait, essentiellement une décision,
devient une sorte de thèse de doctorat, une manifestation de culture par
laquelle le juge suit aveuglement, pas par pas, toutes les élucubrations des
avocats, même les plus absurdes et les plus inutiles, pour aboutir, après
dizaines et dizaines de pages, à une condamnation qui, pour être arrivée trop
tard, ne sera que parfaitement inutile !
Le projet vise aussi à réduire le pois des exceptions procédurales et à
obtenir une concentration des temps du procès, ainsi que la simplification du
système des nullités de la procédure et l’unification des différents types de
procédures (vraiment trop en ce moment) qui caractérisent le procès civil
italien.
D’autres points de ce projet laissent par contre perplexe. Ce texte prévoit
en effet qu’au début de l’affaire le juge fixe un calendrier de la procédure,
sans même savoir, par exemple, quels seront les moyens proposés par les
parties, quelle sera la conduite des parties mêmes lors du procès, les
questions qui seront soulevées, etc. Eu égard à la situation politique italienne
en ce moment, les observateurs pensent que ce projet aura très peu de chances
d’être approuvé par le Parlement.
2.
Quels sont les points dont vous aimeriez discuter plus en détail? |
Les points relatifs à la question n. 1.
3.
Quel sujet proposez-vous pour la prochaine réunion? |
Les pactes successoraux
(Agreements over future inheritances ;
die Erbverträge).
Turin, le 17 juillet
2007.
Giacomo Oberto |
Secrétaire Général Adjoint |
de l’Union Internationale des Magistrats |
[1] Calamandrei, Elogio dei giudici scritto da un
avvocato, Firenze, 1989, p. 141.
[2] Cf. aussi l’art. 2907 du Code
civil italien. Sur ce principe cf., par exemple, Andrioli, Diritto
processuale civile, I, Napoli, 1979, p. 267 et s.
[3] Il y a pourtant des exceptions à
ce principe, notamment lorsqu’il s’agit de protéger des intérêts qui sont
perçus par le législateur comme très importants. Ainsi la faillite d’une
personne physique ou d’une société peut être déclaré d’office par le tribunal
(art. 6 du regio decreto n° 267 du 13
mars 1942). En matière d’enfance le tribunal des mineurs peut, en cas
d’urgence, adopter toutes les mesures temporaires dans l’intérêts des mineurs
vis-à-vis de leurs parents (art. 336, al. 3, du Code civil italien) ; aussi la
procédure de déclaration d’adoptabilité peut être entamée d’office par le même
tribunal (art. 8 de la loi n° 184 du 4 mai 1983).
[4] Cf. par exemple les art. 10,
143, 148, 149, 222, al. 2, 224, al. 2, 771 du nouveau Code de procédure civile
français.
[5] Art. 115 Code de procédure
civile italien ; cf. aussi l’art. 97 des dispositions d’exécution dudit Code,
qui interdit au juge de prendre tout renseignement privé sur l’affaire. Sur ces
principes et sur leurs limitations dans certains cas particuliers cf. Proto Pisani, Lezioni di diritto processuale civile, Napoli, 1996, p. 453 et s.
[6] Il s’agit d’un principe qui est
clairement exprimé aussi par l’art. 146, al. 2, du nouveau Code de procédure
civile français, qui apparaît pourtant difficilement conciliable avec le
contexte des pouvoirs d’office dont le juge civil français dispose.
[7] Art. 2697 du Code civil italien
(cf. aussi les art. 9 et 146 du nouveau Code de procédure civile français et
l’art. 1315 du Code civil français). Le système italien connaît pourtant des
exceptions à cette règle, à commencer par l’expertise, qui peut être ordonnée
d’office par le juge. Il faudra cependant ajouter que plusieurs estiment que
l’expertise ne serait pas un moyen de preuve, puisque par elle le juge ne peut
recevoir que des renseignements lui permettant une évaluation des preuves qui
ont déjà été acquises. En plus, en matière de droit du travail l’art. 421 du
Code de procédure civile italien attribue au juge des pouvoirs assez étendus.
Aussi en ce qui concerne les mineurs le juge peut ordonner d’office toutes
sortes de preuve et prendre toutes sortes de décision dans l’intérêt du mineur.
Sur ce
sujet v. Andrioli, Diritto processuale civile, précité, p.
655 et s.; Taruffo, Presunzioni, inversioni, prova del fatto,
Riv.trim.dir.proc.civ., 1992, p. 733
et ss.; Mandrioli, Corso di diritto processuale civile, II,
Il processo di cognizione, Torino,
1995, p.155 et s.
[8] Taruffo, Il diritto alla prova nel processo
civile, Riv.dir.proc., 1984, p. 74 et s.
[9] L’art. 24, al. premier, de la
Constitution italienne, stipule que « Toute personne a le droit d’agir en
justice pour défendre ses droits » (sur le droit d’agir en justice dans le
système français : Bandrac, L’action en justice, droit fondamental,
Mélanges Perrot, Paris, 1995, 1 et s.). Il faut cependant tenir compte du
fait que l’activité juridictionnelle ne peut pas être dissipée : voilà pourquoi
le demandeur ne doit pas seulement justifier de son droit, mais il doit aussi
prouver d’avoir intérêt à obtenir la décision sur le fond de l’affaire qu’il
demande au juge (cf. art. 100 du Code de procédure civile italien, 31 du
nouveau Code de procédure civile français).
[10] E.F. Ricci, Su alcuni aspetti problematici del diritto alla prova, Riv. dir. proc., 1984, 159 et s.
[11] Cass. (it.), 12 avril 1983, n°
2596.
[12] Cf. dans le même sens Mandrioli, Corso di diritto processuale civile, précité, p. 144, note 12.
[13] Cf. l’ancien texte de l’art. 184
du Code de procédure civile it.
[14] A travers l’expression « modifier les demandes, les exceptions et
les conclusions déjà présentées », le code empêchait implicitement la
proposition de demandes, exceptions et conclusions tout à fait nouvelles. On
distinguait alors entre emendatio libelli,
permise, et mutatio libelli,
interdite. Cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation avait admis une mutatio libelli lorsque la contrepartie
n’avait pas immédiatement déclaré qu’elle n’entendait pas accepter ces
nouvelles demandes, exceptions et conclusions (nova). Sur ce thème cf., par exemple, Consolo, L’accettazione
tacita o presunta e l’eccezione di domanda nuova, ovvero di un costrutto
giurisprudenziale incoerente, Riv.
dir. proc., 1990, I, 2, p. 625 et s.; M. Fabiani,
Vecchio rito e nuove domande: le sezioni
unite ripudiano l’accettazione presunta del contraddittorio, Corr. giur., 1996, p. 1254 et s. Sur
l’actualité de la distinction entre mutatio
et emendatio libelli, après la
réforme de 1990, cf. Oberto, Il giudizio di primo grado dopo la riforma
del processo civile, Giur. it.,
1991, IV, c. 314 et s.
[15] Sur ces sujets cf. Attardi,
Le preclusioni nel giudizio di
primo grado, Foro it., 1990, V,
c. 385 et s.; Id., Le nuove
disposizioni sul processo civile e il progetto del Senato sul giudice di pace,
Padova, 1991, p. 53 et s.; Carpi, Colesanti et Taruffo, Commentario
breve al codice di procedura civile, Appendice di aggiornamento par F.
Carpi e M. Taruffo, Padova, 1991, p. 38 et s.; Consolo,
Luiso et Sassani, La riforma del processo civile, Milano,
1991, p. 33 et s.; Mandrioli, Le modifiche del processo civile,
Torino, 1991, p. 36 et s.; Oberto,
Il giudizio di primo grado dopo la
riforma del processo civile, précité; Id., L’introduzione della causa in primo grado dopo la riforma del processo
civile (citazione, comparsa di risposta, intervento e chiamata in causa), Giur. it., 1993, IV, 441 et s.; Proto Pisani, La nuova disciplina del processo civile, Napoli, 1991, p. 65 et s.,
110 et s.; Tavormina, Commento agli artt. da
Sur le système de forclusions introduit
par la loi n° 353 du 1990 v., en plus des ouvrages généraux précités, Attardi, Le preclusioni nel giudizio di primo grado, précité; Pivetti, Atti introduttivi e preclusioni nel sistema della novella, Questione
giustizia, 1991, 1, p. 182 et s.; Zoppellari,
Le nuove preclusioni e l’intervento in
causa, Riv. Trim. Dir. e Proc. Civ., 1992,
p. 875 et s.; Taruffo, Le preclusioni nella riforma del processo
civile, Riv. Dir. Proc., 1992, p. 296 et s.; Grasso, Interpretazione
delle preclusioni e nuovo processo civile, Riv. Dir. Proc., 1993, p. 639 et
s.; Frasca, Il giudizio civile di primo grado: la prima udienza e le preclusioni,
Documenti giustizia, 1994, 5, p. 974 et s.; Vignale,
Le preclusioni e le decadenze nella
novella del processo civile, ibid., 4, p. 940 et s.; Biavati, Iniziativa delle parti e processo a preclusioni, Riv. trim. dir. proc. civ., 1996, p. 477
et s.
[16] V. les auteurs cités à la note
précédente. Pour un aperçu historique des vicissitudes qui ont caractérisé la
tourmentée entrée en vigueur de la réforme de 1990 : Costantino, Scritti
sulla riforma della giustizia civile (1982-1995), précité; ce dernier
auteur a été en 1995 l’un des promoteurs d’un appel public au Parlement, signé
par presque tous les plus influents procéduriers italiens, dans lequel on
stigmatisait les dernières modifications introduites en 1995 visant à « adoucir
» le système des forclusions.
[17] Cf. le Principe 5 de l’ Annexe à
la Recommandation n° R (84) 5 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe le 28 février 1984 (Principes de
procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice) : «
Sauf si la loi en dispose autrement, les prétentions des parties, les
prescriptions, les exceptions et, en principe, les moyens de preuve devraient
être présentés aussitôt que possible au début de la procédure et, en tout cas,
avant le terme de la phase préliminaire du procès, là où elle existe ». En
général sur l’influence du droit européen dans la procédure civile et sur
l’européanisation du droit processuel dans les pays d’Europe v. Vincent et Guinchard, Procédure
civile, Paris, 1996, p. 15 et s., n. 19 à 23.
[18] En ce même sens : Chiarloni, Prima udienza di trattazione, précité, p. 205 et s.; Mandrioli, Corso di diritto processuale civile, précité, p. 82; Bucci-Crescenzi-Malpica, Manuale pratico della riforma del processo
civile, Padova, 1995, p. 112 et s.; Petrolati,
Le linee generali del nuovo processo
civile: fase istruttoria e modalità di assunzione delle prove, rapport
présenté au Seminario organizzato dal CSM
su tematiche civilistiche per gli uditori giudiziari nominati con D.M. 11
aprile 1995, Rome, les 18 - 21 mars 1996, p. 3 et s.
[19] Il est évident
qu’ici je ne suis pas du tout d’accord avec ce que Calamandrei (Elogio
dei giudici scritto da un avvocato, précité, p. 327) disait : « Gli
architetti dovrebbero studiare per la giustizia un tipo di aule luminose e
tranquille, decorose ma non ornate, in cui la distanza tra il banco degli
avvocati e gli scanni dei giudici non superasse i due metri (...); ancor meglio
se gli avvocati e i giudici fossero allo stesso piano, seduti ai due lati
opposti di un unico banco. Ne verrebbe fuori un’oratoria onesta e concisa,
semplice e rettilinea come l’edificio ». En effet ce qui est sorti d’une telle pratique c’est le
chaos le plus complet.
En Italie, exactement comme en France,
les parties ne peuvent jamais adresser directement la parole aux témoins (cf.
art. 127, 206, 253, al. 2, du Code de procédure civil italien, 84 dispositions
d’exécution dudit Code, 214 nouveau Code de procédure civile français), mais le
vrai problème aujourd’hui c’est que le juge ne peut pas exclure la présence des
avocats ! Sur la possibilité pour le juge français d’entendre les témoins en
dehors de la présence des parties ou de l’une d’entre elles v. art. 208, al. 3,
du nouveau Code de procédure civile français.
[20] En Italie le témoin défaillant
encourt une amende civile entre 100 e 1.000 euros, mais le problème est celui
de l’exécution d’une telle condamnation. Le juge peut ordonner à la force
publique d’accompagner le témoin à l’audience suivante.
[21] Corte cost., 5 mai
1995, n° 149, Foro it., 1995, I, c. 2042,
note Donati, Giuramento e libertà di coscienza; Giur. it., 1995, I, 1, c. 372; Giur.
cost., 1995, p. 1241, note Politi;
Corr. giur., 1995, p. 1293, note Felicetti, Giuramento dei testimoni e laicità dello Stato.
[22] La formule est la suivante
: « Consapevole della responsabilità morale e giuridica che assumo con la mia
deposizione, mi impegno a dire tutta la verità e a non nascondere nulla di
quanto è a mia conoscenza » (Conscient
de la responsabilité morale et juridique que j’endosse par ma déposition, je
m’oblige de ne dire que la vérité et de ne rien cacher de ce qui est à ma
connaissance).
[23] Sur la distinction
entre direction du procès-verbal et dictée de celui-ci cf. oberto, Il giudizio di primo grado dopo la riforma
del processo civile, précité, c. 320.
[24] Je crains même que cette
pratique (d’après ce que j’ai entendu dire par plusieurs collègues) ne soit
suivie dans la majeure partie des Palais d’Italie.
[25] Cf. le Principe I, n° 3, de
l’Annexe à la Recommandation n° R (84) 5 adoptée par le Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe le 28 février 1984 (Principes
de procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice).
[26] Cf. le Principe 9 de l’Annexe à
la Recommandation n° R (84) 5 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe le 28 février 1984 (Principes de
procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice).
[27] La doctrine française pense
aussi qu’ « une sténographie ou un enregistrement de la déposition seraient
plus fidèles qu’un procès-verbal » : cf.
Vincent et Guinchard, Procédure civile, précité, p. 681, n° 1099.
[28] Cf. par exemple Kriegk, Rapport français, rédigé pour la réunion de Porto Rico (les 12-16
octobre 1997) de la Deuxième Commission d’Etudes de l’Union Internationale des
Magistrats.
[29] Cf. par exemple Viazzi, La riforma del processo civile e alcune prassi giurisprudenziali in
materia di prove: un nodo irrisolto, Foro
it., 1994, V, c. 111.
[30] Cf. Vincent et Guinchard,
Procédure civile, précité, p. 656 et
s., n° 1048.
[31] Vincent
et Guinchard, Procédure civile, précité, p. 637 et s.,
n° 997.