UNION
INTERNATIONALE DES MAGISTRATS
2EME COMMISSION D’ETUDES
Réunion de Valle de Bravo (Mexique) – Novembre 2004
Rapport italien sur le thème
POUVOIRS
DU JUGE EN DROIT DE FAMILLE (AFFAIRES CIVILES
CONCERNANT LES ENFANTS, A L’EXCLUSION DE L’ADOPTION) : LE DROIT ITALIEN
|
Réponses au
questionnaire
(I)
1.
Dans votre système de droit, les
affaires concernant les enfants sont-elles portées devant des tribunaux
spécialisés en droit familial ou devant des juges ayant reçus une formation
spécifique en droit familial ? |
Dans
le système juridique italien les affaires concernant les enfants sont traitées
soit par les tribunaux des mineurs, soit par les tribunaux ordinaires, selon un
partage des compétences qui donne parfois lieu à des véritables casse-têtes.
Les
tribunaux ordinaires sont ordinairement compétents par rapport aux litiges de
séparation de corps et de divorce (pour tous les mariages : civils et
concordataires), ainsi que pour l’annulation des mariages civiles. Au cours de
ces différends le Président, au début de la procédure, ou bien le juge chargé
de la mise en état, pendant le déroulement du procès, ou encore la formation
collégiale (trois magistrats), au moment où le litige est tranché, sont appelés
à statuer sur la garde des enfants mineurs, sur la pension alimentaire due à l’époux
qui a la garde des enfants pour l’entretien de ceux-ci, ainsi que sur les
droits de visite de l’époux auquel la garde des enfants n’a pas été confiée
(cf. les articles 706 et suivants du Code de procédure civile italien, 156 du
Code civil italien et 38 des dispositions transitoires et finales du même code,
pour ce qui est de la séparation de corps ; 4 et 5 de la loi n° 898 du 1er
décembre 1970 en matière de divorce ; 126 du Code civil italien pour ce
qui est de l’annulation du mariage civil).
Les
tribunaux des mineurs, par contre, sont compétents, en général, sur tous les
aspects de la procédure d’adoption (soit « interne », soit
« internationale » : cf. les lois n° 184 du 4 mai 1983 et n° 149
du 28 mars 2001), ainsi que sur les procédures visant à limiter ou à exclure l’exercice
de la responsabilité parentale, en dehors des situations de crise du couple
(cf. les articles 330 et suivants du Code civil italien).
En
plus, les tribunaux des mineurs sont compétents pour ce qui est des aspects
« personnels » (droit de garde, droit de visite) sur les enfants
naturels : cela veut dire, par exemple, qu’un litige en matière de
« séparation » d’un ménage de fait relèvera – mais seulement pour ce
qui est des problèmes touchant à la garde des enfants et aux droits de visite –
de la compétence du tribunal des mineurs. Cette solution particulière, qui n’est
pourtant pas réglée clairement par la loi, peut être tirée de l’art. 317-bis du Code civil italien. En effet, la
réforme du droit de la famille, réalisée par une loi de 1975, a garanti une
même dignité à l’enfant né hors du mariage, même si elle n’a pas créé un statut
comparable à celui de l’enfant légitime. Cette loi a introduit dans le Code
civil italien l’article qu’on vient de mentionner, aux termes duquel « au
parent qui a reconnu l’enfant naturel revient l’autorité parentale sur ce
dernier. Si la reconnaissance est faite par les deux parents, l’exercice de l’autorité
parentale revient conjointement aux deux, pourvu qu’ils vivent ensemble. On
applique dans ce cas les dispositions de l’article 316 [qui réglemente l’exercice
de l’autorité parentale des pères et mères légitimes]. Si les parents ne vivent
pas ensemble l’exercice de l’autorité parentale revient à celui des parents
avec lequel l’enfant vit, ou bien, si ce dernier ne vit avec aucun d’entre eux,
au premier qui l’a reconnu. Le juge, dans intérêt exclusif de l’enfant, peut en
disposer autrement (...) ».
L’introduction
de l’article 317-bis du Code civil a donc signifié, pour une partie de
la doctrine, la consécration du phénomène de la famille de fait dans le système
juridique. Toutefois, il ne faut pas oublier que la règle susdite ne réglemente
pas les rapports familiaux, mais uniquement le rapport de filiation ; elle ne
crée ni des droits ni des devoirs entre les conjoints, mais seulement des
pouvoirs et des devoirs à l’égard des éventuels enfants naturels. Elle
reproduit à leur égard une protection équivalente (et parallèle) à celle des
enfants légitimes. Il y a cependant encore cette disparité de traitement entre
enfants qui si trouvent au milieu d’un conflit familial, selon qu’ils soient
légitimes ou naturels : les questions (personnelles) touchant les premiers
seront tranchées par les tribunaux ordinaires, celle touchants les autres, par
les tribunaux des mineurs.
Ainsi,
compétent pour tous les autres aspects en matière de rapports entre concubins
(ou ex concubins) est le tribunal ordinaire. Cela veut dire que, par exemple,
le tribunal des mineurs ne pourra pas statuer sur le droit à une pension alimentaire
à la charge d’un des parents naturels. Sur ce point le parent auquel la garde
sur l’enfant naturel a été attribuée devra s’adresser au tribunal ordinaire. Néanmoins
les juges des mineurs accompagnent parfois la mesure sur la garde (et l’autorité
parentale qui en découle) d’une décision de nature pécuniaire, avec l’attribution
d’une pension pour l’entretien de l’enfant, qu’un des parents est obligé de
verser à l’autre parent qui a la garde de l’enfant. Souvent les tribunaux des
mineurs essayent de dépasser l’impasse en « obligeant » (ou en
essayant de convaincre) les parents à signer un accord (souvent on peut parler
ici d’un accord de « séparation amiable » entre ex concubins), par
lequel le parent n’ayant pas la garde des enfants s’oblige à payer une pension
à l’autre. Cet accord n’a pas pourtant la force d’un titre exécutoire. Il
pourra par contre être soumis au tribunal ordinaire pour l’octroi d’une injonction
de payer.
Les
tribunaux des mineurs sont des juridictions spécialisées disciplinées par le
R.D. (décret royal) n° 104 du 20 juillet 1934, par la suite amendé et modifié.
Ils sont institués dans chacune des vingt-six cours d’appel et dans chacune des
trois sections détachées des cours d’appel ; ils sont donc vingt-neuf au
total. Ils ont leur siège dans les chefs-lieux de région et dans certaines
autres villes particulièrement importantes. Le tribunal pour les mineurs
est un organisme spécialisé pour sa composition (il décide avec un collège
formé par deux juges professionnels et deux juges honoraires experts en
sciences humaines) et pour ses compétences civiles, pénales et administratives.
Dans le domaine civil ses attributions concernent – comme on vient de le voir –
la protection de la personne du mineur dans des situations potentielles de
préjudice ou d’abandon, et les dispositions correspondantes portant des
limitations à l’exercice de l’autorité parentale, l’adoption et la discipline
de la garde des enfants disputés entre parents non mariés. Dans le domaine
administratif il assume des mesures à contenu rééducatif à l’égard des mineurs
qui font preuve d’une conduite irrégulière (y compris les mineurs qui exercent
la prostitution). Enfin, dans le domaine pénal il juge les personnes pour des
délits commis avant dix-huit ans. Les recours contre les jugements du tribunal
des mineurs sont portés à la section pour les mineurs de la cour d’appel, avec
un collège spécialisé formé de trois juges professionnels et de deux juges
honoraires.
Pour
ce qui est du secteur spécifique de la formation en droit de la famille, le
Conseil Supérieur de la Magistrature, dans le cadre de son activité de
formation initiale et continue des magistrats italiens, organise périodiquement
des activités dans les différents domaines relatifs à ces sujets. A titre d’exemple
on pourra citer les cours spéciaux d’auto-formation pour les juges des
tribunaux des mineurs (y compris les membres non magistrats), organisées avec
la coopération de l’association des juges des mineurs. Ces mêmes magistrats
participent aussi à des formations communes avec les juges qui traitent les
affaires familiales au sein des tribunaux ordinaires. Toujours à titre d’exemple
on pourra citer le premier cours entièrement consacré aux questions liées au
rapports personnels et patrimoniaux au sein du concubinage en droit italien (eu
aussi égard à l’expérience d’autres pays et systèmes européens), qui s’est tenu
à Rome du 26 au 28 janvier 2004.
2. Quels jugements une
juridiction peut-elle rendre en prenant en considération l’intérêt des
enfants? (a) Jugement statuant avec quel parent
(ou autre personne) l’enfant doit vivre, (b) Jugement statuant
sur la nature du contact que l’enfant doit établir avec le parent qui n’a pas
le droit de garde, (c) Jugement statuant
sur le paiement d’une pension alimentaire par un des parents, (d) Jugement concernant
l’éducation en général, l’éducation religieuse et l’état de santé y compris
les soins médicaux de l’enfant, (e) Jugement concernant l’administration des
biens mobiliers et immobiliers de l’enfant, (f) Jugement statuant sur la déchéance de l’autorité
parentale. |
Toutes
les mesures mentionnées par la question peuvent être adoptées par le juge. Le
vrai problème, dans le système juridique italien, est de comprendre qui est le
juge autorisé à les adopter. Comme on vient de le dire dans le cadre de la
réponse au point précédent, il faut distinguer entre enfants légitimes et
enfants naturels.
Pour
les enfants issus d’un mariage, le tribunal ordinaire est compétent sur les points
suivants : (a), (b), (c) et (e). Pour ce qui est du point (d), si le
problème se pose au sein d’un couple en instance de séparation ou divorce c’est au tribunal (ordinaire) statuant sur la
séparation ou sur le divorce de trancher la question. Si le problème se pose en
dehors d’une instance de séparation de corps ou de divorce, et si les parents n’arrivent
pas à s’accorder, c’est au tribunal des mineurs qui revient la tâche de décider
qui sera le parent autorisé à prendre la décision la plus conforme à l’intérêt
du mineur (cf. l’article 316 du Code civil italien). Sur ce point il faut
encore ajouter que, si les parents n’arrivent pas à s’accorder sur une intervention
urgente et il y a un danger imminent d’un grave préjudice pour l’enfant (on
peut penser ici à une opération chirurgicale), le père est autorisé, même avant
avoir saisi le tribunal des mineurs, à adopter toute décision urgente dans l’intérêt
de l’enfant.
Pour
les enfants naturels, le tribunal ordinaire n’est compétent que sur les points
(c) et (e), tandis que le tribunal des mineurs est compétent sur les autres
points.
Le
tribunal des mineurs est aussi toujours compétent (enfants légitimes et
naturels) pour ce qui est des questions relatives au point (f).
Pour
ce qui est en particulier du point (e) il faut ajouter qu’ici les compétences
ne sont pas partagées entre les tribunaux des mineurs et les tribunaux
ordinaires, mais entre ces derniers et les juges des tutelles. Avant une
réforme entrée en vigueur en 1999 le juge des tutelles était un prêteur, juge
unique compétent en matière civile pour toutes les affaires dont le montant était
inférieur à une certaine somme. A partir du 2 juin 1999, la distinction entre
le prêteur et le tribunal (juge qui était normalement collégial) a été
supprimée et a été institué un juge
unique de premier degré (qui laisse cependant subsister le juge civil de
paix et la cour d’assises). La création du « juge unique de première instance »,
dont le but est de réduire les temps et de simplifier les procédures des procès,
a réuni les compétences des preture
et des tribunaux ordinaires et en introduisant le principe du jugement à juge
unique des affaires en première instance, tout en réservant un certain nombre d’hypothèses
qui, à titre d’exception, demeurent attribuées à la connaissance d’une
formation collégiale. Il s’agit de toutes les procédures dans lesquelles l’intervention
du ministère public est obligatoire et notamment de la matière du droit des
personnes et de la famille. Maintenant le juge des tutelles n’est rien d’autres
qu’un juge du tribunal, qui pourtant a une série de compétences pour ce qui est
de la gestion des patrimoines des mineurs et des sujets « faibles »
(il doit, par exemple, autoriser toute aliénation des biens appartenant aux
enfants).
3. Quand la
juridiction statue, applique-t-elle comme critère déterminant celui du
meilleur intérêt de l’enfant? |
Le critère de l’intérêt de l’enfant – souvent mentionné comme celui de l’« intérêt
exclusif » de l’enfant – est le seul critère qui doit inspirer tout accord
entre les parties, ainsi que toute décision de justice sur le mineur. Plusieurs
dispositions font expresse référence à cette règle, qui est assurément l’un des
plus importants principes généraux du droit de la famille. Ainsi, par exemple,
l’article 158 du Code civil italien prévoit que le tribunal (ordinaire) doit
refuser l’homologation des accords de séparation de corps consensuelle, lorsqu’ils
sont contraires à l’intérêt des enfants mineurs, tandis que l’article 317-bis, qu’on a déjà mentionné, renvoie au
même critère pour ce qui est des décisions sur les enfants naturels. De même l’article
4, alinéa 13, de la loi sur le divorce (n° 898 du 1er décembre 1970,
modifiée par la loi n° 74 du 6 mars 1987) empêche au tribunal de prononcer le
divorce sur demande conjointe, lorsque les conditions relatives aux enfants
mineurs sont contraires à leurs intérêts.
Dans
les cas de séparation de corps et de divorce contentieux les articles 155 du
Code civil et 5 de la loi sur le divorce (n° 898 du 1er décembre 1970,
modifiée par la loi n° 74 du 6 mars 1987) font référence à l’ « intérêt
exclusif moral et matériel », comme le seul qui doit guider le juge dans
sa décision. D’autre côté, les articles 250, 252, 273 et 279 du même code
appliquent le principe de l’intérêt des mineurs au domaine de la reconnaissance
des enfants naturels et de la déclaration déclaration par voie judiciaire de la
maternité (et/ou de la paternité).
Tout
cela ne veut pas dire, bien entendu, que le juge ait toujours le monopole des décisions
en matière d’enfants. La jurisprudence de la Cour de cassation a plusieurs fois
décidé que les parents exerçant l’autorité parentale peuvent s’accorder sur la
gestion de cette autorité, même en cas de rupture de l’union (légitime ou
naturelle), pourvu que le critère de l’ « exclusif intérêt du
mineur » soit respecté. Ainsi, par exemple, tout accord et toute décision
en matière de rapport personnels et patrimoniaux entre époux et sur les enfants
de parents séparés de corps ou divorcés pourra toujours être modifié selon la
volonté des parties, pourvu que ces ententes respectent le critère qu’on vient
de mentionner, sans aucune homologation de la part du tribunal (cf. Cass., 24
février 1993, n° 2270 ; Cass., 22 janvier 1994, n° 657). Il en est de même
pour ce qui est des accords entre parents naturels : là aussi l’intervention
du juge n’a qu’un caractère « éventuel » et « successif »,
si ces ententes sont contraires à l’intérêt des mineurs (cf. Cass., 25 mai
1993, n° 5847).
4. Dans quelle mesure
un juge peut - il être proactif dans une affaire impliquant des enfants? En particulier: (a) Un juge peut-il prendre
une mesure dans l’intérêt de l’enfant, même si cette mesure n’a pas été
demandée par aucun des parents (ou une autre partie au litige)? Un juge peut-il ouvrir, de sa propre
initiative (ex proprio motu,) une
enquête sur l’environnement de l’enfant et de ses parents? (b) Le juge peut-il
faire appel à des experts, par exemple, un psychologue pour enfants? (c) Le juge peut-il
exiger la présence des deux parents à une audience? |
La Cour constitutionnelle
italienne, par son arrêt n° 1 du 30 janvier 2002, a statué que cette
disposition est d’application immédiate au niveau national, sans aucune nécessité
d’une loi interne d’application de la convention, soit pour ce qui est de l’écoute
direct, soit pour ce qui concerne l’écoute indirect. Les dispositions en examen
ont implicitement abrogé les normes contenues dans la loi sur le divorce (cf.
les articles 4, alinéa 8, et 6, alinéa 9, de la loi n° 898 du 1er décembre
1970), qui ne prévoyaient l’audition des mineurs que lorsque cela était
strictement nécessaire eu égard à son âge. On estime pourtant que cette écoute
peut se faire aux termes de la convention, même de façon indirecte, par le
biais des parents (bien entendu, lorsqu’ils sont d’accord), ou des services
sociaux, qui pourront dire que le mineur a été informé de la procédure et
communiquer au juge son opinion sur les questions qui le concernent.
Finalement le 1er novembre 2003 est entrée en
vigueur en Italie la Convention Européenne sur l’exercice des droits des
enfants, faite à Strasbourg le 25 janvier 1996, après sa ratification par la
loi n° 77 du 20 mars 2003, dont les articles 4, 5 et 6 prévoient respectivement
ce qu’il suit.
8. Dans votre système
de droit, dans quelle mesure une juridiction peut-elle exécuter des décisions
judiciaires prononcées dans un autre pays ?
Quels traités internationaux s’appliquent dans votre pays pour la mise
en exécution des décisions prises dans les pays étrangers ou pour le retour d’un
enfant illégalement substitué à la justice d’un pays étranger ? |
(A) Reconnaissance mutuelle et exécution des décisions en matière de
droit de la famille au sein des pays de l’UE : le règlement n° 1347/2000 du
Conseil (« Bruxelles II »).
Le
premier instrument communautaire dans le domaine de la coopération juridique dans
le domaine spécifique du droit de la famille a été le règlement dit « Bruxelles
II » : il s’agit, plus exactement, du Règlement
(CE) nº 1347/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en
matière de responsabilité parentale des enfants communs.
Le
règlement couvre le sujet des affaires civiles concernant le divorce, la
séparation légale de corps et l’annulation du mariage, aussi bien que la
matière de la responsabilité parentale sur les enfants des deux conjoints,
quand la crise du mariage a lieu. La juridiction dans les procédures concernant
le divorce, la séparation légale ou l’annulation du mariage est déterminée
selon le pays de la résidence d’un ou des deux conjoints ou selon leur
nationalité. La cour compétente est également compétente dans toutes les
matières touchant à la responsabilité parentale sur les enfants des deux
conjoints, si l’enfant est résident dans cet Etat membre. Si cela n’est pas le
cas, la même cour peut avoir la juridiction dans certaines circonstances. Si
une affaire est portée dans un Etat membre, la cour concernée détermine si elle
a la juridiction en se référant aux critères prévus par le règlement. Là où des
cas parallèles sont apportés dans différents Etats membres, la deuxième cour
saisie doit attendre que la première affirme sa juridiction. Dans ce cas elle
devra accepter la juridiction de la cour qui a été saisie en première, mais, dans
des cas d’urgence, elle peut prendre des mesures de sauvegarde temporaires.
Les
jugements dans les matières matrimoniales ou sur la responsabilité parentale émis
dans un Etat membre sont reconnus dans les autres Etats membres sans aucune
formalité particulière ; aucune procédure n’est exigée pour la mise à jour
des documents de l’état civil. Le règlement interdit la reconnaissance d’un
jugement dans les sujets matrimoniaux ou dans les sujets de la responsabilité
parentale pour certaines raisons, mais un jugement ne pourra pas être revu
quant à sa substance dans aucun cas. Reconnaissance automatique ne signifie pourtant
pas exécution automatique. Par conséquent, un jugement sur l’exercice de la
responsabilité parentale sur un enfant des deux parties doit être déclaré exécutoire
dans un Etat membre sur demande d’un sujet ayant droit qui veut l’exécuter dans
un état différent de celui dans lequel la décision a été rendue. Contre une
décision sur une demande autorisant l’exécution on pourra faire recours. Au
moment de son entrée en vigueur, ce règlement a remplacé les conventions
existantes entre les Etats membres et a eu la priorité sur les conventions
internationales sur le même sujet. Le règlement est entré en vigueur le 1er
mars 2001.
(B) Reconnaissance mutuelle et exécution des décisions en matière de
droit de la famille au sein des pays de l’UE : le nouveau règlement n° 2201/2003
du Conseil (« Bruxelles II-bis »).
Le
règlement appelé « Bruxelles II » a subi plusieurs critiques, particulièrement
en ce qui concerne les décisions concernant la responsabilité parentale. En effet
le règlement exige toujours un procédé d’exequatur pour ce genre de jugements.
Une proposition française a été présentée le 3 juillet 2000, visant à éliminer la
nécessité d’un exequatur par rapport aux décisions judiciaires au sujet des
droits d’accès et de visite des mineurs. Une autre limite du règlement dérive
du fait que celui-ci ne traite pas de la responsabilité parentale que dans les
cas où il y a une procédure de divorce, de séparation légale de corps ou d’annulation
de mariage. Par conséquent, il ne s’applique pas aux enfants issus hors du
mariage. Ce champ a été couvert par une proposition de la Commission présentée le
6 septembre 2001. Ces deux propositions pour la modification du règlement « Bruxelles
II » ont été fusionnées dans une nouvelle proposition de la Commission, en date
du 3 mai 2002. Le 3 octobre 2003 le Conseil a conclu un accord sur le nouveau Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27
novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale
abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000.
Ce
nouveau règlement se base sur deux éléments fondamentaux. D’abord, il renferme
en soi et garde telles qu’elles sont les dispositions sur le divorce (comme sur
la séparation légales de corps et l’annulation du mariage) déjà contenues dans
le règlement n° 1347/2000. En deuxième
lieu, il intègre dans un système complet les règles sur la responsabilité
parentale du règlement n° 1347/2000, la proposition de la Commission sur la
responsabilité parentale et l’initiative française sur les droits d’accès et de
visite.
Par
conséquent, le règlement n°1347/2000 du Conseil est abrogé, ses dispositions
ayant été reprises dans leur intégralité dans le nouveau règlement. Le Conseil
a opté pour un instrument simple sur le divorce (aussi bien que sur la
séparation et l’annulation du mariage) et la responsabilité parentale en vue de
faciliter le travail des juges et des praticiens en traitant les questions sur
la responsabilité parentale qui se posent souvent dans le contexte des affaires
matrimoniales. L’alternative aurait été celle d’abroger seulement les
dispositions sur la responsabilité parentale du règlement n° 1347/2000 et de
donner lieu à un règlement différent seulement sur cette dernière question. Le
résultat aurait été celui de deux instruments séparés, traitant des sujets très
étroitement liés (le divorce et la responsabilité parentale). Cette alternative
n’a pas été considérée satisfaisante ni pour faciliter l’application de la loi
par les juges et les praticiens, ni pour favoriser la simplification et la
concordance de la législation communautaire.
Pour
ce qui est des matières matrimoniales, les dispositions du nouveau règlement
sont les mêmes que celles du règlement n° 1347/2000, comme on vient de le dire.
En ce qui concerne les sujets de la responsabilité parentale, une « large »
définition de ce concept est donnée par l’article 2, selon lequel « responsabilité
parentale » est l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne
physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une
attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne
ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit
de visite ». C’est donc clair que le nouveau règlement concerne soit les
enfants légitimes soit les enfants naturels.
Le
nouveau règlement ne couvre pourtant pas la matière des pensions alimentaires
entre les conjoints et/ou entre les parents et les enfants, car tels aspects
sont réglés par le règlement « Bruxelles I », exigeant toujours un procédé d’exequatur
pour l’exécution transfrontalière des jugements dans ces domaines. La réunion
du Conseil européen à Tampere en octobre 1999 (point 34) a identifié le secteur
des droits de visite comme une priorité pour la coopération juridique, comme réponse
à un besoin social réel, surtout lorsque les gens se déplacent de plus en plus
d’un Etat membre à l’autre, et les familles se brisent et se recomposent. L’objectif
de ce nouvel instrument est celui de mieux protéger les intérêts de l’enfant.
À
cet effet, le nouveau règlement : (a) prévoit que « les juridictions de l’État
membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant
son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au
moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre
et qu’il ait la possibilité d’être entendu au cours de la procédure, à moins
que cela n’apparaisse inapproprié eu égard à son âge ou à son degré de maturité » (cf.
l’article 10) ; (b) intègre les dispositions de la convention du 1980 de la Haye
sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (cf. les
articles 11 à 15) ; (c) prévoit l’exécution transfrontalière (non seulement des
jugements, mais aussi bien) des accords entre les parties (cf. l’article 46) ;
(d) étend le principe de la reconnaissance mutuelle à toutes les décisions sur
la responsabilité parentale (ceci correspond à la proposition de la Commission
sur la responsabilité parentale) ; (e) supprime l’exequatur pour les droits de
visite (ceci correspond à l’initiative française sur les droits de visite ; la
solution est conforme aussi bien à une initiative par laquelle la Commission
propose la suppression de l’exequatur pour certains jugements dans le secteur du
droit commercial en vue de la création d’un titre exécutoire européen pour les
créances non contestées) ; et (f) élabore une solution pour le retour de l’enfant
dans les cas de son enlèvement : ici, en effet, le juge de l’Etat membre où
l’enfant se trouve pourra prendre une mesure de sauvegarde temporaire empêchant
le retour de l’enfant ; cette décision pourra par la suite être remplacée
par un jugement sur la garde rendue par les cours de l’Etat membre où se trouve
la résidence habituelle de l’enfant. En outre, si le juge compétent ordonne le
retour de l’enfant, ce jugement ne nécessitera plus d’aucun exequatur pour son
exécution forcée. Les dispositions du nouveau règlement font ici une référence
claire aux dispositions de la convention de la Haye et les intègrent (voir les
articles 11 à 15).
L’Etat
membre indiquera au moins une autorité centrale, qui jouera un rôle essentiel
pour l’application du nouveau règlement dit « Bruxelles II-bis ». Les autorités centrales seront efficacement intégrées dans
le réseau judiciaire européen et serviront de lien entre les cours nationales
et les autorités centrales d’autres Etats membres. Le règlement entrera en
vigueur le 1er mars 2005, c’est-à-dire exactement 4 ans après le
premier règlement (« Bruxelles II
»).
Il
faut encore ajouter que la Commission a mis sur pied un Réseau Judiciaire Européen en matière civile et commerciale, dont l’adresse
web est la suivante : http://europa.eu.int/comm/justice_home/ejn/.
Le principal objectif du réseau est de faciliter la vie des personnes qui sont
confrontées à toutes sortes de litiges qui ont des aspects
« transfrontaliers ». Les professionnels du droit trouveront ce site
assez utile pour avoir accès à la connaissance des divers systèmes nationaux des
instruments législatifs de l’union européenne et d’autres organismes
internationaux comprenant les Nations Unies, la conférence de la Haye et le
Conseil de l’Europe. Un vade-mecum à l’usage des juges et d’autres praticiens
sera rédigé sur l’application du nouveau règlement « Bruxelles II-bis ».
(C) Le rôle de la conférence de la Haye et du Conseil de l’Europe dans le
domaine de la coopération judiciaire en matière de droit de la famille.
Un
rôle crucial dans cette matière est aussi joué par la Conférence de la Haye de
droit international privé et par le Conseil de l’Europe. En ce qui concerne le
premier institut on pourra rappeler, entre autres, La Convention de La Haye du
25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants,
la Convention sur la protection des
enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993, la Convention
de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la
reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité
parentale et de mesures de protection des enfants. Un résultat important de l’activité de la Conférence de la
Haye dans ce domaine est l’établissement d’une base de données internationale
sur les décisions prises par les cours nationales sur l’enlèvement
international d’enfants, connue sous le nom de « Incadat » (http://212.206.44.26/index.cfm ; d’autres
informations sur ce sujet sont disponibles au site web suivant : http://www.hcch.net/).
En
ce qui concerne le Conseil de l’Europe, cet organisme a développé une activité
intense en fixant des normes communes dans un certain nombre de recommandations
et de conventions ad hoc, visant,
entre autres, à assurer une meilleure protection des enfants, élaborant un
grand nombre d’instruments internationaux à ce sujet. Le résultat principal du
grand travail qui a été effectué à Strasbourg est représenté par cinq
conventions spécifiquement consacrées aux enfants, aussi bien que par plusieurs
recommandations du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
Ici
on ne pourra que faire mention des cinq conventions, qui sont : la Convention européenne
en matière d’adoption des enfants (1967) ; la Convention européenne sur le
statut juridique des enfants nés hors mariage (1975) ; la Convention européenne sur la reconnaissance
et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et le
rétablissement de la garde des enfants (1980) ; la Convention européenne
sur l’exercice des droits des enfants (1996) ; la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants (2003)
(cf. la page web suivante :
http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CM=8&CL=FRE
; pour une étude complète sur la matière des conventions internationales dans
des sujets du droit de la famille je renvoie à mon étude International Conventions in the Field of Family Law, disponible depuis
le 24 janvier 2000 au site web
suivant :
https://www.giacomooberto.com/conventions/report.htm
; cf. aussi l’article Judicial Co-operation in Cross-Border Family
Law Matters, depuis le dal
23 octobre 2003 au site web suivant :
https://www.giacomooberto.com/lecco/reportonlecco.htm).
9. Dans votre système
de droit, le juge traitant des affaires concernant des enfants dispose-t-il
de pouvoirs suffisants lui permettant d’adopter une attitude proactive ? |
On peut
renvoyer ici à la réponse donnée à la question n° 4. Les pouvoirs d’intervention
ex officio du juge sont assez amples.
Ce qu’il faut reprocher à la législation c’est le fait que les procédures
d’exécution des jugements dans ces matières sont trop longues et complexes.
Encore une fois, le manque d’un instrument tel que le contempt of court, connu par les cours d’Outre-manche, ou les
astreintes du droit français, empêche aux parties d’exécuter de façon rapide et
efficace les décisions rendues dans un domaine si délicat.
II Quels points désirez-vous discuter en détail? |
Les
points n° 1, 5 et 8.
III (Pour préparer les
conclusions) Dans quelle mesure,
considérez-vous qu’un juge saisi d’une affaire impliquant des enfants puisse
adopter une attitude proactive ? Comment ce rôle du juge peut-il
être réglé ? |
Lorsqu’il
s’agit des intérêts personnels et patrimoniaux des enfants aucune limitation ne
devrait pouvoir être apportée au pouvoir du juge de prendre, même en l’absence
d’une demande à cet égard (ou en allant au delà de la demande posée par les
parties), toutes les mesures qu’il estime les plus efficaces pour la sauvegarde
de ces intérêts.
Cependant
ce rôle devrait entrer en jeu seulement si les parents n’arrivent pas à trouver
un accord sur ces points, ou bien si le juge estime que l’accord des parents ne
correspond pas, eu égard à toutes les circonstances, aux intérêts de l’enfant.
IV Quelles sont vos suggestions concernant le thème à
aborder l’année prochaine ? |
·
Accords prématrimoniaux en
vue de la séparation de corps ou du divorce (Premarital Agreements in Contemplation of Separation or Divorce),
ou
·
Les contrats de concubinage
(Cohabitation agreements), ou
·
Les nouvelles familles (The New Families), ou
·
Les régimes matrimoniaux (Matrimonial Property Law).
Turin, le 3 mai 2004.
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Giacomo Oberto |
Secrétaire Général Adjoint |
de l’Union Internationale des Magistrats |
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