Le médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit prévenir ses parents (exerçant la puissance parentale) ou son représentant légal et obtenir leur consentement : la règle est stipulée non seulement par le code de déontologie médicale (42), mais aussi - sur le plan international - par l'art. 6 de la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine), qu'on a déjà mentionnée (43). Dans le cas d'opposition de la part des parents (exerçant la puissance parentale) ou des représentants légaux, le médecin doit prévenir l'autorité judiciaire compétente (44).
Il s'agit notamment ici soit du juge des tutelles, pour les mineurs ou les majeurs soumis à tutelle (art. 384 c.c. it.), soit du tribunal pour les mineurs (ou du procureur de la République auprès du tribunal des mineurs), pour ce qui est des enfants soumis à l'autorité parentale, afin que les mesures appropriées soient adoptées (cf. art. 330, 333, 361 c.c. it.). On peut affirmer qu'en cas d'extrême urgence, lorsque le temps nécessaire à mettre en ouvre ces mesures pourrait mettre en danger la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin peut et doit donner les soins nécessaires (45).
L'avis du mineur est pris en considération comme
un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge
et de son degré de maturité : la règle est stipulée
non seulement par la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection
des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à
l'égard des applications de la biologie et de la médecine
(Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine) (cf. art.
6), mais aussi par la Convention relative aux droits de l'enfant approuvée
par l'O.N.U. le 20 novembre 1989 (cf. art. 12) (46).
5) Votre système juridique prévoit-il une obligation (légale) du médecin de documenter toutes les informations données au patient avant une opération ou un traitement ? Le patient a-t-il accès à cette documentation ? Quelle est la force probante de cette documentation ?
En Italie aucune disposition de loi n'oblige explicitement le médecin de documenter par écrit les informations qu'il donne au patient, ni le patient pourrait y contraindre le médecin (47). Il en est de même en ce qui concerne le consentement éclairé. Ce dernier peut être exprimé en toute forme, même de façon implicite, par le fait même de se soumettre à l'opération (48). Dans la pratique il arrive souvent que le médecin rédige un document contenant les informations qu'il donne au patient sur le traitement ou sur l'opération et le client manifeste par écrit son consentement, en signant le papier.
Le code de déontologie médicale italien suggère cependant (cf. art. 31, alinéa 2) la forme écrite du consentement "dans les cas où pour la particularité des diagnostiques ou des thérapeutiques ou pour les conséquences possibles sur l'intégrité physique elle se rende opportune". Toutefois, cette déclaration ne peut pas remplacer le consentement éclairé dont l'art. 29 dudit code de déontologie fait mention (49). On peut aussi mentionner au moins un cas où la loi prescrit le respect de la forme écrite pour le consentement éclairé du patient : il s'agit de la transplantation - qu'on a déjà évoqué - d'un rein d'une personne vivante. Ici l'art. 2, alinéa 3, de la loi n. 458 du 26 juin 1967 impose au juge de veiller à ce que les déclarations des parties concernées (et donc aussi celle de la partie qui, dûment informée, va donner un de ses reins) soient "rédigées par écrit".
On pourra aussi se poser à ce propos le problème de la validité d'une éventuelle clause d'exonération de responsabilité du praticien. A cet égard il faut dire que l'article 1229 c.c. it. stipule que tout accord visant à exclure ou à limiter la responsabilité du débiteur pour dol ou faute lourde est nul. Aux termes de l'article 1469-bis c.c. it. (ajouté par la loi n. 52 du 6 février 1996, qui a donné exécution à la directive européenne en matière de clauses abusives) dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs sont présumées abusives - entre autres - les "Clauses ayant pour objet ou pour effet :
a) D'exclure ou de limiter la responsabilité légale du professionnel en cas de mort d'un consommateur ou de dommages corporels causés à celui-ci, résultant d'un acte ou d'une omission de ce professionnel ;
b) D'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles, y compris la possibilité de compenser une dette envers le professionnel avec une créance qu'il aurait contre lui".
Souvent il est d'importance capitale pour le client, surtout lorsque l'information a été insuffisante ou erronée, de connaître et prouver exactement l'étendu des renseignements reçus. Cela n'est souvent possible qu'en consultant des documents qui pourtant se trouvent dans la seule disponibilité du médecin. Le médecin ne pourra pas ici opposer le secret professionnel, du moment qu'aux termes de l'art. 9 du code de déontologie médicale il n'est plus astreint au secret, lorsque la demande provient ou bien est autorisée par le patient, ou par les représentants légaux du mineur ou du majeur protégé, après avoir été dûment informés sur l'opportunité ou la non-opportunité du dévoilement du secret. Le praticien peut toutefois opposer le secret, même à la demande du sujet concerné, lorsque cela pourrait mettre en grave danger la santé ou la vie d'autres personnes.
Aux termes de l'art. 23 de la loi n. 675 du 31 décembre 1996 (sur la protection des données personnelles) "Les exerçants les professions sanitaires et les établissements sanitaires publics peuvent, même sans l'autorisation de l'Autorité Garante de la protection des données personnelles, traiter les données personnelles concernant l'état de santé des sujets. Ce traitement est pourtant limité aux données et aux opérations indispensables pour la poursuite du but de la protection de la sécurité physique et de la santé des sujets concernés. Si ces buts regardent un tiers ou la collectivité, en l'absence du consentement du sujet concerné, le traitement peut être effectué avec l'autorisation préalable de l'Autorité Garante. Les données personnelles concernant la santé peuvent être communiquées au sujet concerné seulement par l'intermédiaire d'un médecin désigné par le sujet concerné ou par le responsable de la banque de données".
La force probante de cette documentation est celle propre à toute pièce versée dans un dossier civil, dont la réglementation donnée par le code civil et par le code de procédure civile est assez riche en ce qui concerne la production, volontaire ou forcée.
Depuis une importante réforme du procès civil (loi n° 353 du 26 novembre 1990) entrée en vigueur le 1er mai 1995, les demandes des parties concernant les moyens de preuve doivent être présentées au juge dans le respect de délais de forclusion assez stricts. Ainsi, les nouveaux art. 163, 166, 167, 180, 183, 184 et 184-bis du code de procédure civile italien (dorénavant abrégé comme il suit : c.p.c. it.) prévoient, pour les procès commencés après le 1er mai 1995, un système de forclusions assez rigoureux en ce qui concerne les délais dans lesquels les parties peuvent et doivent alléguer des faits, avancer leurs demandes, soulever leurs exceptions, présenter demandes reconventionnelles, modifier leurs conclusions, offrir les éléments de preuve (y compris donc la production des pièces) et demander au juge de la mise en état qu'une ou plusieurs mesures d'instruction soient ordonnées.
En ce qui concerne en particulier l'indication des éléments de preuve cela doit se faire soit dans les actes introductifs du litige (assignation pour le demandeur et constitution d'avocat pour le défendeur), soit au cours d'une des premières audiences (normalement la deuxième), soit encore, au plus tard, dans un délai fixé par le juge au cours d'une des toutes premières audiences et déclaré par la loi comme péremptoire (cf. le nouvel art. 184 c.p.c. it.) (50).
Le système italien distingue aussi - en ce qui
concerne la force probante d'un acte - entre acte authentique et acte sous
seing privé et, du point de vue des contestations relatives à
la preuve littérale, il aménage des procédures - incidentes
aussi bien que principales - en reconnaissance ou vérification d'écriture,
ainsi que d'inscription de faux. Du moment que le médecin ne semble
pas exercer une fonction publique au moment où il rédige
la déclaration contenant l'information adressée au patient
(déclaration qui, comme on vient de le dire, n'est pas non plus
explicitement prévue par la loi), on peut penser que ce papier n'a
que la valeur d'un acte sous seing privé.
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Notes
(42) Cf. art. 32 du code de déontologie médicale italien ; v. aussi l'art. 42 du code de déontologie médicale français.
(43) "Article 6 (Protection des personnes n'ayant pas la capacité de consentir)
Sous réserve des articles 17 et 20, une intervention ne peut être effectuée sur une personne n'ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct.
Lorsque, selon la loi, un mineur n'a pas la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l'autorisation de son représentant, d'une autorité ou d'une personne ou instance désignée par la loi. L'avis du mineur est pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité.
Lorsque, selon la loi, un majeur n'a pas, en raison d'un handicap mental, d'une maladie ou pour un motif similaire, la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l'autorisation de son représentant, d'une autorité ou d'une personne ou instance désignée par la loi. La personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure d'autorisation.
Le représentant, l'autorité, la personne ou l'instance mentionnés aux paragraphes 2 et 3 reçoivent, dans les mêmes conditions, l'information visée à l'article 5.
L'autorisation visée aux paragraphes 2 et 3 peut, à tout moment, être retirée dans l'intérêt de la personne concernée".
(44) Cf. art. 32, alinéa 2, du code de déontologie médicale italien.
(45) C'est la solution expressément adoptée par l'art. 42, alinéa 2, du code de déontologie médicale français : "En cas d'urgence, même si [les parents ou le représentant légal] ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires".
Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale".
Cf. aussi l'art. 42, alinéa 3, du code de déontologie médicale français.
(47) Il en de même en droit français : cf. Cass. Civ., 4 avril 1995 (l'arrêt est cité au site web suivant : <http://195.46.210.56/WebCNOM/Omsi98271.nsf/V_CAC/ARTICLE+35?OpenDocument>).
(48) Cf. dans ce sens Cass., 18 avril 1966, n. 972, Foro it., 1966, I, 1532 ; Cass., 6 décembre 1968, n. 3906, préc. ; Cass., 26 mars 1981, n. 1773, Arch. civ., 1981, 544 ; contra Bilancetti, La responsabilità penale e civile del medico, préc., 140, pour qui le consentement doit toujours être explicite, même si la loi n'impose pas le respect d'une forme particulière.
(49) Cf. supra, n. 2.
(50) La doctrine italienne tend aujourd'hui
justement à considérer ce système de forclusions comme
relevant du droit public, tandis qu'auparavant la jurisprudence de la Cour
de cassation faisait dépendre des exceptions des parties concernées
l'application des forclusions prévues dans l'ancien système.
Aujourd'hui c'est donc au juge de s'apercevoir et de relever, même
d'office, que telle ou telle autre mesure d'instruction ne peut pas être
ordonnée puisqu'un délai péremptoire n'a pas été
respecté par la partie qui la demande, même lorsque l'autre
partie n'a rien à objecter, soit par ignorance, soit par collusion.