4. La formation initiale des magistrats en Italie.
En ce qui concerne la formation initiale il faut souligner
d'abord le lamentable et persistent manque dans mon pays d'une école
de la magistrature (41) : la préparation professionnelle
des recrutés a donc lieu presque exclusivement on the job, c'est-à-dire
sous la surveillance et la conduite des magistrats plus âgés.
L'apprentissage lors du stage est divisé en deux phases :
-
la formation " ordinaire " ou " généraliste
", qui se réalise par une rotation à l'intérieur de
divers bureaux, sous la surveillances de magistrats experts, et
-
la formation dite " visée " (aux fonctions que l'auditeur
sera appelé à exercer), chargée de donner une préparation
spécifique à l'exercice des fonctions qui feront l'objet
de la première affectation.
L'encombrement des sièges destinés à
l'apprentissage, surtout au cours de la formation " ordinaire " (et surtout
dans les grand villes), constitue un problème désormais évident
et susceptible de compromettre la qualité des stages. Aussi le choix
des magistrats aptes à exercer les fonctions de " maître "
pose des problèmes : à s'en tenir aux opinions exprimées
par les auditeurs, la disponibilité et les capacités didactiques
des magistrats désignés ne sont pas toujours à la
hauteur de la tâche. Une deuxième difficulté concerne
l'exigence d'intégrer les (assez souvent modestes) notions théoriques
acquises à l'université (42).
Toute la matière a été réorganisée
par le décret du Président de la République en date
du 17 juillet 1998, qui a fixé en 18 mois la durée minimale
de la période d'apprentissage (dont 13 de formation " ordinaire
" et 5 de formation " visée ") en précisant les règles
et les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature
ainsi que des Conseils judiciaires et des Commissions pour les auditeurs
constituées au niveau des districts des Cours d'appel. Si l'on doit
porter une appréciation de ce système, il faut d'abord remarquer
que le temps consacré à la formation, au-delà de l'engagement
individuel dans l'étude, ne semble pas suffisant. En effet, les
auditeurs doivent participer à des cours organisés par les
Conseils judiciaires auprès des différentes cours d'appel
et par le Conseil Supérieur de la Magistrature à Rome. Aucun
stage dans une administration publique n'est prévu, ni aucun stage
à l'étranger. Aucune réelle sélection n'est
effectuée au cours de cette brève période, en dépit
d'un système de contrôle inutilement baroque et complexe,
prévoyant - entre autres - la tenue d'un " cahier " de formation,
qui doit enregistrer les étapes d'un parcours de formation coordonné,
rédigé et vérifié à chaque pas avec
l'intervention :
-
des magistrats " maîtres " (c'est-à-dire des
magistrats auxquels les auditeurs sont confiés pour leurs stages
en juridiction),
-
des magistrats " collaborateurs " du Conseil judiciaire (c'est-à-dire
des magistrats chargés de choisir les " maîtres " et de coordonner
leur activité),
-
des Commissions pour la formation initiale constituées
auprès de chaque district de Cour d'appel,
-
des Conseils judiciaires,
-
du Comité Scientifique auprès du Conseil Supérieur
de la Magistrature,
-
de la Commission pour la formation auprès du Conseil
Supérieur de la Magistrature,
-
de l'assemblée plénière du Supérieur
de la Magistrature .
En effet, sauf cas très exceptionnels, les évaluations
d'aptitude rédigées par les magistrats responsables de la
formation et par le Conseil Judiciaire compétent sont positives
et les auditeurs sont reçus dans l'exercice des fonctions juridictionnelles.
(41) Il s'agit ici d'un sujet que j'ai
traité ailleurs : cf. Oberto, Les enjeux de la formation des
magistrats. Organisation institutionnelle de la formation, in Riv.
dir. priv., 1997, p. 214 - 225 ; depuis le 16 mars 1997 l'article est
aussi disponible à la page web suivante : <http://www.droit.umontreal.ca/palais/magistrature/uim/formation.html>.
(42) Pour un récit d'un certain
intérêt sur une expérience romaine dans le domaine
de la formation initiale cf. Lazzaro, Il tirocinio dei giovani magistrati
(Antiche prassi e innovazioni introdotte dalla " Commissione uditori giudiziari
" presso la Corte d'appello di Roma), in Documenti giustizia,
1999, p. 34 - 70.