La culture juridique dominante en Italie depuis au moins un siècle considère le concours comme la seule voie d'accès à l'ordre judiciaire capable à la fois de réaliser une sélection efficace sur le plan professionnel et de mettre la magistrature à l'abri de toute influence politique (35). Il s'agit cependant de deux buts qui n'ont pas été atteints dans la même mesure. En effet, personne ne doute que l'indépendance à été assurée au sens le plus large du terme. Plusieurs incertitudes restent, par contre, en ce qui concerne l'efficacité de la méthode du concours par rapport à l'aspect de la sélection (36).
Suivant la tradition de la fonction publique, le concours a gardé sa formulation proprement généraliste, étant théoriquement dessiné pour choisir des candidats aptes à remplir les fonctions les plus diverses. Les épreuves écrites se déroulent devant une commission composée de magistrats et professeurs nommés par le Conseil Supérieur de la Magistrature ; elles consistent à écrire, en trois différentes journées, trois essais sur des sujets fixés par la commission, dans les domaines, respectivement, du droit civil, du droit pénal et du droit administratif. Les épreuves orales, de leur côté, font aussi appel à des connaissances qui, en embrassant pratiquement tous les domaines du savoir juridique, ne peuvent pas être assez approfondies (37). En outre, le côté pratique ne peut y jouer aucun rôle (38).
Depuis une quinzaine d'années l'offre des candidats s'est accrue de façon à rendre très difficile, pour ne pas dire presque impossible, une correcte gestion du recrutement (39). Afin de faire face à cette situation, des importantes nouveautés ont été introduites par le décret législatif n° 398 du 17 novembre 1997, portant modifications à la discipline du concours pour l'accès à la magistrature, ainsi que l'introduction des écoles de spécialisation pour juristes. Pour réduire le grand nombre des candidats, mais aussi pour combler les épouvantables vides dans la formation juridique donnée par les facultés de droit en Italie, ce texte prévoit que les futurs magistrats ne seront admis au concours qu'après avoir obtenu le diplôme d'une des écoles de spécialisations prévues par le même décret législatif. Pratiquement ce système ne sera pourtant appliqué qu'à partir de l'an 2004 : ce n'est en effet que pour les étudiants inscrits en 1998 à la première année de la faculté de droit (qui feront leur maîtrise à partir de 2002) que le diplôme d'une de ces écoles va constituer une condition sine qua non pour l'admission au concours.
Les écoles de spécialisation pour juristes sont créées au niveau local, auprès de plusieurs universités ; le corps enseignant est composé principalement par des professeurs, bien que la loi prévoie aussi la présence de magistrats, avocats et notaires : le but poursuivi par la loi est justement celui de fournir aux candidats - déjà licenciés en droit - une formation à la fois théorique et pratique ; ce but risque pourtant de ne pas être atteint, vu l'excessive importance attribuée dans l'organisation des écoles à ces mêmes structures (c'est-à-dire aux universités) qui ont déjà fait preuve d'échecs tragiques dans la formation des étudiants. Les futurs candidats aux postes de magistrat seront donc obligés - une fois leur licence en droit obtenue - de s'inscrire à une ces écoles, l'immatriculation auxquelles est soumise à un examen d'admission. La période de scolarité est fixée à deux ans pour chaque candidat. A la fin de cette période, caractérisée par la présence d'examens intermédiaires, une épreuve finale aura lieu, pour établir si le candidat a droit à obtenir son diplôme de spécialisation.
Pour les licenciés en droit qui se sont inscrit à la faculté à partir de l'année 1998/1999, ce diplôme va constituer une condition impérative pour pouvoir s'inscrire au concours pour l'accès à la magistrature. On envisage aussi de rendre le diplôme obligatoire pour tous ceux qui voudront accéder à la profession d'avocat, mais pour l'instant cette proposition n'a pas encore été retenue.
Aux termes du décret législatif n° 398 du 17 novembre 1997, jusqu'à ce que le système de " formation préliminaire " par le biais des écoles de spécialisation pour juristes ne soit entré complètement en fonction, les licenciés en droit qui veulent s'inscrire au concours doivent affronter une épreuve préliminaire de sélection effectuée par le biais des moyens de l'informatique. Cette " présélection informatisée " est consiste dans une épreuve sur un ordinateur, au cours de laquelle le candidat dispose de 80 minutes pour répondre à 60 questions concernant le droit civil, le droit pénal et le droit administratif, en cochant une des quatre réponses proposées pour chaque question. La correction est effectuée ensuite de façon automatique par l'ordinateur.
Afin d'organiser cet immense travail, le Ministre de la
Justice, par son décret n. 228 du 1er juin 1998, a organisé
une commission dont la tâche est celle de créer et de mettre
constamment à jour l'archive informatisé des questions et
des réponses. Le nombre des questions ne peut être inférieur
aux 5.000 pour chacune des trois matières concernées. Les
candidats doivent se présenter - divisés en groupes de 100-150
personnes - selon un calendrier fixé par le Ministère. A
chaque candidat est proposée une liste de 60 questions tirées
à sort par l'ordinateur. A chaque réponse exacte est assigné
un certain nombre de points, correspondant à la difficulté
de la question. La correction informatisée est effectuée
pour tous les candidats le même jour ; une liste de classement des
candidats est dressée suivant les points reçus. Aux épreuves
écrites sont admis les candidats ayant obtenu les meilleurs scores,
dans la limite d'un nombre de candidats qui ne peut pas dépasser
de cinq fois le nombre de candidats mis à concours (par exemple,
si 200 places sont mises à concours, le nombre des personnes admises
aux épreuves écrites ne peut pas dépasser les 1.000
unités) (40).
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(35) Sur le système de sélection des magistrats italiens cf. Dogliotti, Figone, Oberto et al., L'esame di uditore giudiziario, Milano, 1997. Pour un aperçu comparatif des systèmes de sélection, nomination et formation des magistrats dans les pays adhérant à l'Union Internationale des Magistrats cf. Union Internationale Des Magistrats - Fondation " Justice Dans Le Monde ", Traité d'organisation judiciaire comparée, I, Zürich-Bruxelles, 1999.
(36) Les conditions d'admission au concours - qui est géré par le Conseil Supérieur de la Magistrature avec l'aide du Ministère de la Justice - comprennent la jouissance des droits civiques et politiques, l'aptitude physique et psychique à exercer comme magistrat, la bonne moralité, la licence en droit, aussi bien que le fait de ne pas avoir dépassé les 40 ans d'âge (sauf quelques exceptions prévues par la loi). Du moment que le choix de la carrière judiciaire se fait d'habitude tout de suite après la conclusion des études universitaires, les candidats au concours sont presque toujours dépourvus de toute expérience professionnelle. En tout cas, celle-ci ne pourrait faire l'objet d'aucune évaluation dès qu'elle ne constitue pas un titre de préférence. On verra tout de suite comme une récente loi a essayé de remédier à cette situation.
(37) Les épreuves écrites se déroulent - comme on vient de le remarquer dans le texte - devant une commission de magistrats et professeurs (25 au total) choisis par le Conseil Supérieur de la Magistrature ; elle est composé par un magistrat de la Cour de Cassation, qui en est le président, par 16 autres magistrats (dont un doit avoir atteint le niveau de magistrat de Cassation et les autres celui de magistrat de Cour d'appel), ainsi que par 8 professeurs d'université. La commission peut se diviser en sous-commissions, pourvu qu'au moins 9 membres (dont au moins un professeur) soient présents.
Les épreuves écrites consistent à écrire, en trois différentes journées, trois essais sur des sujets fixés par la commission, dans les domaines, respectivement, du droit civil, du droit pénal et du droit administratif. Sont admis aux épreuves orales les candidats ayant obtenu un score d'au moins 12 points sur 20 dans chacune des trois épreuves écrites. Les épreuves orales consistent à répondre à une interrogation sur chacune des matières suivantes :
(38) Il faudra encore ajouter que la loi n. 303 du 5 août 1998 a donné exécution à l'article 106, troisième alinéa de la Constitution, prévoyant la possibilité que des professeurs d'université et des avocats soient appelés - " ayant bien mérité " - à intégrer les rangs de la Cour de Cassation. Le nombre maximum de ces nouveaux magistrats ne peut pourtant excéder la dixième partie des places prévues au total pour les conseillers de la Cour Suprême. C'est au Conseil Supérieur de la Magistrature qui revient la tâche de choisir ces nouveaux conseillers de la Cour, parmi les listes présentées par le Conseil Universitaire National et par le Conseil National des Barreaux.
(39) En effet, dans la période comprise entre le début des années 80 et la fin des années 90, ils étaient passés de 5.000 à 10.000-15.000. Le nombre de ceux qui se présentaient aux épreuves écrites était cependant inférieur, étant passé dans la même époque de 1.000 à 6.000 unités environ ; parmi eux, ceux qui terminaient toutes les trois épreuves écrites étaient environs 2.000 (dans le concours du mois de juillet 1995, par exemple, ils avaient été 2.303, dans celui de juin 1997, ils avaient été 2.414). Les places disponibles variaient dans la même période d'un minimum de 92 à un maximum de 300. Le nombre des personnes admises aux épreuves orales était toujours à peux près égal à celui des places mises à concours.
(40) Le nombre de candidats qui se présentent
à cette épreuve préliminaire est impressionnant :
25.535 pour le concours ouvert par le décret du Ministre de la Justice
en date du 9 décembre 1998. Le premier essai de présélection
informatisée s'est déroule sur un total de 160 séances,
comprises entre le 3 mai et le 19 juillet 1999 ; chacune de ces séances
a été consacrée à un groupe de candidats différent.